1er
jour - Départ mercredi 28 novembre à
11h - 1er quart de Juliette
Nous partons enfin pour le Cap-Vert. Il était
temps, nous commencions à piétiner
à La Restinga. Et puis il est connu que
beaucoup arrêtent leur voyage aux Canaries:
problème technique, divorce (!), peur de
la suite moins balisée, etc... Alors il
est important pour nous d'avoir passé cet
"écueil", par ailleurs le dernier
bastion européen avant la grande traversée
de l'Atlantique!
Nous partons sereins, accompagnés par
les D'un B, pour une durée de 5 à
7 jours, soit à peu près l'équivalent
de la traversée Gibraltar - Madère.
Et la météo est bonne: nous devrions
manquer un peu de vent au début, mais il
doit monter juste ce qu'il faut après,
tout au portant.
Le rendez-vous quotidien avec les D'un B
Le frigo et les placards sont pleins (nous ne
devrions pas trouver grand chose au Cap-Vert),
ainsi que les réservoirs, les bidons d'eau
et de carburants (gasoil pour le moteur, essence
pour le groupe électrogène et le
moteur de l'annexe), et les bouteilles de gaz
(pour la cuisine).
Cette première journée se passe
encore plus calmement que prévu. De 15
nuds au départ, nous descendons rapidement
à 3-4 nuds... nous mettons donc le moteur
:-(.
Nous établissons les quarts avec quelques
modifications:
Et comme la météo le permet (largement!),
Juliette fait son premier quart, avec son papa,
de 20h à 21h. Il fait nuit noire et l'air
est frais, ils mettent vestes de quart et harnais.
2ème jour - jeudi 29 novembre
- 1er quart Marin - Dauphins - Grain - 1km de fil
Finalement, Fleur ne sonne pas la fin de mon
quart (elle dormira jusqu'à 9h30, bercée
par le ronron du moteur...). C'est donc avec Juliette
et Marin, très fiers tous les 2 de porter
le harnais, que se termine ce quart. Les yeux
bouffis, nous assistons ensemble au lever du soleil.
Dans la matinée, nous croisons une barge
pétrolière, énorme engin
flottant. C'est le seul "bateau" aperçu
depuis le départ. Ce manque d'animation
rend les quarts encore plus difficiles: sans rien
à surveiller, nous somnolons le plus souvent,
réveillés toutes les 12 minutes
par la sonnerie du réveil... pourquoi 12?
Un peu comme ça... c'est presque 10, mais
on gagne un coup sur une heure!!
Alors,
ils sont où ces dauphins?
Dans l'après-midi, nous apercevons un
groupe de dauphins qui accompagnera les D'un B
pendant 10 bonnes minutes.
Nous passons toute la journée au moteur.
Nous avons droit à un grain en fin d'après-midi
: le vent monte en rafales à 30 nuds,
accompagné de pluie et de grosses vagues.
Le vent arrière fait rentrer la pluie dans
le carré. Nous fermons et attendons que
ça passe, en espérant que le pilote
veille au grain et ne décroche pas. JP
ne remonte pas la traîne, parce que "ça
ne serait pas de chance que ça morde juste
à ce moment-là!" (et aussi
parce que les D'un B ont pris un thon cet après-midi!...)
Bien sûr, quand nous ressortons 20mn plus
tard, toute la bobine de fil est déroulée:
1 km de fil à remonter!
JP passe plus de 3 heures et donc tout son quart,
à rembobiner: 1 km à la main, ça
use, ça use, 1 km à la main, la
prochaine fois je s'rai plus malin!...
[Note de JP : le pire, c'est qu'après
avoir lutté 20cm par 20cm pour ramener
ce fil tendu comme un arc (impossible d'utiliser
la manivelle), je découvre que cette tension
n'est finalement due qu'à un morceau de
filet de pêche pris dans le leurre... Mais
ouf, la ligne n'est pas cassée, et nous
allons donc pouvoir continuer à manger
1 poisson par mois! :-) ]
Dans la soirée, nous avons droit à
1 heure à la voile, pendant laquelle nous
profitons du calme apporté par l'arrêt
du moteur.
Puis le vent retombe et c'est donc au moteur
que nous passons la nuit.
3ème jour - vendredi 30
novembre - 1er quart Philippine et Domitille - EMT
- Enfin du vent - Mer forte
C'est aujourd'hui au tour de Philippine et Domitille
de me rejoindre à leur réveil pour
me prêter main forte pendant la dernière
heure de mon quart.
Elles sont elles aussi très fières
de cette nouvelle responsabilité!
La journée est calme. Pas assez de vent
jusqu'en fin d'après-midi.
Ateliers "nuds" avec Papa et "couture"
avec Maman, avec notamment la confection d'un
drapeau cap-verdien (à partir d'un drapeau
de signal appelé "Charlie", dont
l'utilité m'échappe!), sur lequel
je couds les 10 étoiles jaunes, dessinées
et découpées par Juliette dans l'un
de nos 2 fanions jaunes (signifiant ceux-là
"formalités de douanes à accomplir")',
étoiles représentant les 10 îles
de l'archipel cap-verdien.
Bon, il n'est pas super, mais à 10m et
balloté par le vent, il fait son petit
effet!
A partir de 18h, nous arrêtons le moteur
et pouvons enfin sortir le génois.
Le vent monte ensuite régulièrement
et se stabilise finalement à 20-25 nuds.
La mer devient vite forte avec des creux de 4
à 5m.
Nous passons la nuit avec 2 ris dans le génois
et la GV affalée, et avançons quand
même à plus de 6 nuds.
Le drapeau cap-verdien "made in Apache"
Régulièrement embarqués
par des déferlantes arrivant par 3/4 arrière,
nous sommes très secoués et il est
vraiment difficile de s'endormir, les abdominaux
contractés en permanence pour essayer de
rester en place, que ce soit assis ou allongé!
Pour le quart, la meilleure place est par terre
dans le cockpit, recroquevillé entre les
bancs et la barre : on est (un peu) mieux abrité
du vent, on n'a pas peur de tomber plus bas, et
ainsi coincé, on n'a pas besoin de lutter
contre les effets de la houle et les abdos peuvent
se reposer.
4ème jour - Samedi 1er
décembre - Souris à bord!
Domitille a 4 ans 1/2 aujourd'hui. Elle y tient,
c'est donc à elle que revient le plaisir
d'ouvrir la première fenêtre du calendrier
de l'Avent acheté à Hierro. Les
autres trouvent bien sûr que "c'est
pas juste, parce qu'elle aura tous ses ans 1/2
le 1er décembre"!
Tout le monde est très content parce que
décembre, le mois de Noël, a commencé:
ça veut dire que c'est bientôt!
Juliette, qui avait déjà perdu
une dent hier, en perd encore une aujourd'hui!
Espérons que ce ne soit pas le scorbut!?
;-)
En tous cas, la petite souris ne manque pas de
travail ces jours-ci!
Le vent monte à 25 nuds. La mer est
forte toute la journée, et nous subissons
une houle croisée qui nous secoue en permanence.
Les enfants ne semblent pas trop réaliser
le "danger": ils s'extasient devant
la hauteur des vagues comme s'ils assistaient
à un feu d'artifice : "Waouh, regarde
celle-là"!
Ces conditions ne les gênent pas non plus
dans leurs activités à l'intérieur:
aujourd'hui la découverte d'une vieille
pochette de papier calque dans ma "malle
aux trésors" réussit à
les canaliser un bon moment!
Mais ce qui est le plus surprenant, c'est que
côté appétit, tout va bien
aussi. Ce soir, ils réclament des croque-monsieur.
Nous n'avons que du chorizo et un drôle
de fromage de chèvre achetés à
La Gomera. L'odeur dans le carré est à
la limite du supportable et je sors régulièrement
prendre un bol d'air frais. Eux se régalent
et en redemandent!
Trop cool les vagues!
Fleur
ne tient plus en place!
Il n'y a que Fleur qui a pleuré toute la
journée.
Comme elle est toujours intégralement au
sein (même si elle commence à goûter
à tout et aime beaucoup les fruits), je
culpabilise un peu dans ces moments-là
et me dis que je suis trop fatiguée pour
lui donner assez de lait.
Mais je souhaite continuer jusqu'après
la transat, pour limiter les risques avec l'eau
douteuse que l'on trouve par ici.
C'est aussi plus dur pour elle parce que secoués
comme nous le sommes, nous ne pouvons pas la laisser
se promener à sa guise dans le bateau.
Maintenant qu'elle sait sortir de sa chaise et
monter sur la table, passer les pas de portes
et se promener debout contre les cloisons, elle
aimerait bien en profiter! Mais n'ayant pas assez
de force pour se retenir, elle serait projetée
violemment. Elle est donc condamnée ces
jours-ci, quand elle ne dort pas, à rester
dans les bras de sa maman, son papa ou ses frère
et surs qui ne demandent pas mieux... pendant
5 minutes!
Cette nuit, le vent et la mer restent aussi forts.
A chaque fois qu'une vague déferle au
moment de frapper l'arrière de la coque,
un paquet d'eau inonde tout le cockpit, rendant
la "meilleure place" bien moins confortable
pour les quarts.
Juste après avoir
pris un paquet d'eau...
... la "meilleure place" est toute inondée!
JP fait presque toute la nuit dehors pour nous
permettre à Fleur et moi de nous reposer.
Et j'avoue que ça marche, même, si
je me lève régulièrement
pour lui demander "Tu es sûr que tu
ne veux pas aller te coucher?".
5ème jour - Dimanche 2
décembre
Toujours autant de vent et de mer, mais comme
nous savons que nous arrivons le lendemain, nous
sommes beaucoup plus détendus et réalisons
que finalement, 6 jours dans ces conditions, ça
passe vite!
Dans la nuit, JP a reçu un poisson-volant
dans la figure. Au réveil, nous en retrouvons
4 sur le pont.
L'après-midi est consacré à
la confection des décorations de Noël.
Tous mes rouleaux de papier-alu y passent mais
les enfants sont ravis et très sages!
Nous faisons tourner le moteur 1h le matin et
1h le soir pour recharger les batteries.
Atelier de Noël: tout le monde s'y met!
6ème et dernier jour -
Arrivée à 15 heures le lundi 3 décembre
Ce matin, nous retrouvons 7 poissons volants
dans le bateau, et... un calmar -- entouré
de son encre car écrasé dans la
nuit lors d'une manuvre de prise de ris.
La mer et le vent se sont calmés. Nous
faisons ces dernières heures génois
plein. La navigation est beaucoup plus agréable
et le moral est excellent : nous sommes presqu'arrivés!
A 13h, Sal, l'île la plus au nord de l'archipel
cap-verdien, est en vue. Nous ne l'apercevons
que très tard, car elle est enveloppée
d'un voile de sable et à part quelques
monticules, elle est très plate et peu
élevée.
Arrivés par le nord, nous contournons
l'île par l'ouest pour rejoindre la baie
de Palmeira, où nous espérons un
bon mouillage.
Peu après avoir longé un monticule
rocheux, nous subissons soudainement une brusque
accélération du vent: passant de
15 nuds à 30 nuds. Heureusement, nous
avions enroulé le génois en partie
et n'avons qu'à terminer de le rentrer.
Nous finissons les quelques milles restant au moteur.
Marin se charge de hisser notre pavillon cap-verdien!
Cette nuit la "pêche" a été
bonne! ;-)
Il y a beaucoup de voiliers au mouillage et la
baie n'est pas du tout abritée par le vent
venant de la terre, sans le moindre relief à
cet endroit-là. Après 3 tours d'observation
entre les voiliers, nous démarrons les
manuvres de mouillage... qui vont durer 1h!
Ancre coincée dans un rocher par 3m de
fond (avec 1m de marnage ça fait un peu
juste pour 2m de tirant d'eau!), guindeau qui
saute et libère 60 mètres de chaîne
d'un coup... la fatigue se fait sentir et nous
aurions vraiment mérité mieux!
En plein milieu des manuvres, Fleur se
réveille et se met à pleurer, puis
Philippine nous demande, comme si c'était
le moment, "on peut faire un gâteau
au chocolat"? Et d'enchaîner après
le refus "C'est pas juste, on n'a jamais
de bons goûters!"
... Ah... on respire... "Pas de violence,
c'est les vacances!", comme dirait Saturnin.
Enfin, après une dernière vérification
sous l'eau de la tenue de l'ancre, nous pouvons
enfin nous détendre: nous sommes arrivés
à Sal après 5 jours et 4 heures
de traversée.