Nous quittons Saint Georges et les Bermudes à
14h locales, soit 17H en temps universel (UTC),
le mardi 27 mai. Destination prévue: Horta,
sur l'île de Faial.
Nous n'avons pas pu faire le plein de gaz, et
n'avons donc qu'une bouteille Camping Gaz de 5l
pleine et une bien entamée (sur 3 au total).
Aux Bermudes, il n'y a que du propane et personne
n'a voulu remplir nos bouteilles de butane avec.
Dans les autres pays, ils étaient moins
scrupuleux!
C'est dommage pour une nav de 15j environ, mais
c'est comme ça! Tant pis, nous mangerons
plus souvent des repas froids!
Nous partons en même temps que Zee van
tijd ("Mer de temps", expression hollandaise
qui signifie que l'on a beaucoup de temps devant
soi...), le bateau hollandais rencontré
à Trinidad.
3 autres bateaux hollandais -- Camelot, Loesje
et Flux -- sont partis un peu plus tôt.
Nous avons été particulièrement
attentifs à la météo ces
derniers jours, et nous le serons tout autant
pendant la traversée. En effet, contrairement
à la transat aller qui bénéficie
de la régularité des alizés,
le retour est beaucoup plus variable. La route
sera donc en permanence ajustée en fonction
des nouvelles prévisions et aussi, bien
sûr, des conditions réellement rencontrées.
Après près de 2h au moteur face
au vent pour sortir du chenal d'entrée
de Saint Georges, nous sortons les voiles et c'est
parti!
Bonne nouvelle, le vent est plus à l'est
que prévu, et nous pouvons faire une route
presque nord-est, donc pas trop loin de la route
directe.
Après 6 heures de nav, nous retrouvons
les 2 autres bateaux hollandais, plus lourds,
qui ont du mal à "décoller"
avec ce vent un peu faible (<15N).
Le vent se stabilise ensuite à 15N, et
nous passerons toute la soirée, puis toute
la nuit, à 4 bateaux! C'est vraiment agréable
comme départ de transat, et du coup, pas
d'angoisse! Et puis, ça change de la transat
aller, pendant laquelle nous n'avions pas vu un
voilier! Mais nous savons que ça ne durera
pas: plus grands, les autres bateaux sont plus
rapides que nous, et leurs équipages plus
expérimentés, et surtout composés
de plusieurs adultes : ils finiront par nous distancer!
Les enfants ont droit à une séance
de ciné avant le repas. Mais sont prévenus
que ce ne sera pas tous les jours!
D'ailleurs, nous avons aussi sorti l'une des
nouvelles armes anti-ennui: 5 dés achetés
à un bazar juste avant le départ:
quelques parties de Yam's (ou Yatsee) ont permis
de faire passer cette première journée
plus vite.
J2 - Mercredi 28 mai - J2 - Les écarts se
creusent
Quelques grains, un vent très variable,
plutôt faible, un ciel toujours chargé,
mais finalement pas de souci pendant cette première
nuit. Autour de nous, les feux hollandais nous
rappellent que nous ne sommes pas seuls!
Au matin, 2 bateaux sont loin devant mais restent
visibles (en tous cas entre 2 pluies) et nous
sommes bord contre bord avec Camelot.
Depuis le départ, la mer est belle: aujourd'hui,
il y a école!
Fleur va se coucher, les enfants rangent le bazar
dans les cabines et les coloriages / découpages
dans le carré... la classe à 4 niveaux
peut commencer! Aujourd'hui, maths pour Juliette
et Marin, français pour Philippine et Domitille.
Nous croisons notre premier cargo. Il passe entre
le groupe de tête et nous, preuve que nous
sommes déjà assez éloignés
les uns des autres.
17H: 122M parcourus en 24h, 248 depuis le départ.
Vent irrégulier toute la journée,
de 0 à 25N. Dans la soirée, plus
de vent du tout, nous mettons le moteur, ça
nous permet de faire du froid, de recharger les
batteries, et de recoller au peloton de tête.
Vers minuit, nous croisons notre deuxième
cargo de cette transat.
La pétole dure toute la nuit: nous restons
11h au moteur, à un régime plus
élevé que raisonnable, pour rester
au contact des Hollandais.
Ceux-ci ont pour la plupart une autonomie en
diesel bien supérieure à la nôtre,
et n'hésitent donc pas à utiliser
le moteur pour conserver une bonne vitesse moyenne!
Nous savons que nous ne pourrons pas nous permettre
ce luxe à nouveau: avec 300l de diesel,
nous n'avons que 4 à 5 jours d'autonomie,
et il faut en garder le maximum pour les derniers
jours: en effet, nous risquons alors de nous retrouver
au beau milieu de l'anticyclone des Açores,
donc sans vent!
Le moteur sera dorénavant utilisé
au ralenti, dans le seul but de conserver un minimum
de vitesse, sans laquelle on ne peut plus tenir
le cap. Et pour recharger les batteries, nous
privilégierons le groupe électrogène
(qui lui, consomme de l'essence).
Aujourd'hui, le vent reste assez faible toute
la journée: entre 5 et 10 nuds. Nous
nous faisons distancer par les Hollandais, 1 sous
spi, les autres les voiles en ciseaux... voiles
en ciseaux, au grand largue (vent de 3/4 arrière)?
Mais comment font-ils? Nous passons un coup de
VHF pour apprendre la manip:
La grand voile est bord sous le vent, avec une
retenue de baume (système permettant d'éviter
l'empannage accidentel... et généralement
destructeur!), le génois est tangonné
bord au vent: c'est ça l'astuce! Jusque
là, il ne m'était pas venu à
l'idée que le bord d'attaque du génois
(c'est à dire celui par lequel le vent
entre dans la voile), pouvait être la chute
et non le guindant!
Nous notons l'explication (merci Sjoerd du bateau
Camelot!), puis nous mettons à l'uvre.
C'est aussi compliqué que de mettre le
spi, aussi prenons-nous le temps de la préparation:
de quel côté du faux-étai
faut-il mettre le tangon, à quelle hauteur
le fixer sur le mât, où doivent passer
le hale-bas, le hale-haut, chacune des écoutes...
(là je fais exprès pour Olivier
Tch. ;-))
Lorsque nous sommes prêts, nous envoyons,
et après quelques réglages, Apache
se retrouve en "butterfly configuration",
comme disent les Hollandais, et nous gagnons un
nud de vitesse, passant de 3,5 à 4,5N!
Avec 8 ou 9 nuds de vent, ce n'est pas mal,
et c'est le genre de détail qui peut nous
faire gagner une journée ou deux!
Mais nous ne maîtrisons pas suffisamment
cette configuration, et nous voyons nos compagnons
s'éloigner inexorablement! En fin d'après-midi,
seul Loesje reste visible, à près
de 6M devant nous.
17h: 102M parcourus en 24h, 350 au total.
Apache toutes voiles dehors ;-)
Le vent devant en principe rester stable, nous
décidons de rester en ciseaux pour la nuit.
Mais vers 22h, le vent tourne plus au sud et
nous devons empanner. Avec le génois tangonné,
la manuvre n'est pas simple... il nous faut
une bonne heure pour enrouler correctement le
génois retenu par le tangon, retirer puis
remettre en place le tangon sur l'autre bord,
comprendre où refaire passer les manuvres...
renvoyer le tout, et régler les écoutes.
Pendant ce temps, Loesje a disparu dans la nuit
noire. Cette fois, plus personne à l'horizon!
Le vent est décidément trop instable.
Nous rentrons le génois, rangeons le tangon.
Nous conservons seulement la GV, plus difficile
à affaler que le génois. C'est une
mauvaise idée, mais la fatigue aidant,
je choisis la facilité du moment...
Pendant la nuit, encore 1 empannage, laborieux:
il faut retirer le frein de bôme et faire
passer la GV sur l'autre bord... en maîtrisant
la manip pour éviter que le vent ne prenne
brutalement la voile à revers. manuvre
un peu limite et pas envie de la faire à
nouveau plus tard dans la nuit: nous nous résolvons
à mettre Apache face au vent pour affaler
la GV.
Le reste de la nuit se fait sous génois
seul, et nécessite encore 2 empannages...
Le matin, nous sommes HS, parce que nous faisons
toutes ces manuvres à deux; du coup,
nos quarts ne sont pas du tout respectés,
et nous ne dormons quasiment pas. C'est le moment
de sortir les super vitamines achetées
aux Bermudes, car après les nuits difficiles,
la vie à bord continue: c'est déjà
l'heure du biberon de Fleur, puis du petit-déjeuner...
la mer étant très plate, Carole
a même le courage de faire l'école!
La mer est plate, car il n'y a pas du tout de
vent. Nous devons mettre le moteur pendant près
de 4 heures (2 heures à 1500t/mn pour charger
les batteries, puis à régime réduit
pour maintenir le cap).
Dans l'après-midi, entre 2 averses, un
groupe d'une trentaine de petits dauphins se rapproche
du bateau et joue à l'étrave un
quart d'heure, pour la grande joie des enfants!
"Ça faisait longtemps", remarquent-ils!
Il fait froid et il pleut sans arrêt tout
le reste de la journée. Nous n'y voyons
pas à plus de 100m.
Vu l'ambiance, et aussi parce que tout le pain
de mie est en train de moisir, aujourd'hui, nous
faisons du pain perdu pour le goûter...
pour le plus grand plaisir de Philippine qui en
réclame depuis le départ. Cette
transat retour est vraiment différente:
alors qu'à l'aller, nous avions chaque
jour un peu plus chaud, un peu plus soif, cette
fois, on se dirait en automne, et même les
menus s'en ressentent!
17h: 100M en en 24h, 450 au total.
Nous avons définitivement perdu le contact
avec les Hollandais: de temps en temps, nous percevons
des bribes de conversation à la VHF. Mais
ne parvenons pas à les contacter.
En fin de soirée, nous apercevons un feu
au sud, loin à l'horizon. Un voilier? Nous
ne saurons pas: il ne répond pas à
notre appel radio.
J5 - Samedi 31 mai - Pas de vent
Encore une nuit mouvementée: les changements
d'orientation du vent nous contraignent à
4 virements de bord: encore une grosse différence
avec la transat aller, où l'on n'avait
fait que 2 ou 3 empannages sur toute la traversée!
Au réveil, Domitille nous dit: "Plus
qu'un jour!". Depuis une bonne semaine, elle
compte les jours qui la séparent de son
anniversaire!
Oui Domitille!... En attendant, ce matin il y
a école!
Vers 16H, nous croisons notre 3ème cargo.
Peu après, nous sommes contactés
par Fly away, un voilier Hollandais (encore un!).
Il est à une douzaine de milles en avant.
Plus grand qu'Apache, il est aussi plus rapide...
nous nous retrouverons peut-être aux Açores!
En tous cas, c'est bien sympa d'avoir quelqu'un
à qui parler presque tous les jours sur
cet océan!
Le vent, déjà faible toute la matinée,
est nul pendant près de 2h cet après-midi:
nous mettons le moteur au ralenti. Ralenti: c'est
la vitesse du bateau aujourd'hui: entre 3 et 4
nuds. :-(
17h: 100M parcourus en 24h, 450 depuis le départ.
Le soir, le vent fait son retour: 15 à
20N, Apache glisse à 6,5N.
J6 - Dimanche 1er juin - 5 ans Domitille - Enfin
du vent! Antenne BLU HS
Le vent monte encore pendant la nuit, et nous
réduisons la toile progressivement, pour
finir avec 3 ris pris dans la GV, et 2 dans le
génois.
Nous croisons un 4ème cargo, qui traverse
en sens inverse.
A 7h30, nous entrons tous dans la cabine de Domitille:
"Joyeux anniversaire!". Après
les cadeaux, nous mangeons au petit déjeuner
le gâteau au chocolat préparé par
Carole pendant son 1er quart.
Aujourd'hui, pas d'école: c'est la règle,
les jours d'anniversaire sont fériés
sur Apache, et les enfants ne l'ont pas oubliée!
Domitille la grande fille
C'est une très belle journée de
nav: mer toute plate, soleil, au bon plein avec
un vent régulier entre 12 et 20N, Apache
ne descend pas sous les 7 nuds, et se permet
régulièrement quelques minutes à
plus de 9,5N! Merci le Gulf Stream!
Le vent tourne progressivement de l'Est au sud-est,
nous permettant de reprendre une route plus directe
sur les Açores: jusque là, nous
étions en effet coincés au près
serré sur une route trop nord.
Dans l'après-midi, nous regardons un DVD
piraté acheté dans la rue au Venezuela:
langage et sous-titres en espagnol!
Sortant jeter un il alentour toutes les
15 minutes pendant la séance ciné,
nous avons la surprise de découvrir un
cargo nous croisant à quelques centaines
de mètres!... Oups! Il est apparu sans
prévenir celui-là!
En fin d'après-midi, nous passons à
50 mètres d'une perche d'homme à
la mer (la deuxième après celle
de la Mer des Sargasses)... brrr!...
On trouve d'ailleurs beaucoup trop d'objets flottants,
même au beau milieu de l'océan...
bouées, bidons, seaux, bouteilles, canettes,
sacs en plastique... Quel dommage! Nous avons
même vu passer un paquet de pain de mie!...
Nous aussi, nous jetons le pain de mie quand il
est moisi (ce qui a tendance à arriver
très vite dans cet environnement humide!),
mais nous prenons quand même le temps d'enlever
l'emballage en plastique!
On trouve aussi plein de petites bouées
rose-violet encore gonflées et dont le
plastique est comme fondu et collé par
le soleil... c'est du moins ce que l'on croit
au début.
Mais il y en a tellement que ça parait
étrange... A y regarder de plus prêt,
il s'agit en fait de méduses flottantes!
17h: 140M en 24h, 590 depuis le départ.
Par sécurité, et aussi parce que
nous n'avons pas envie de renouveler l'expérience
fatigante des nuits précédentes,
nous prenons 2 ris dans la GV avant la nuit. D'ailleurs,
ça tombe bien, le vent monte à 20N.
Même les méduses se prennent pour
des déchets en
plastique!
En plus du côté rassurant, la présence
des autres bateaux permettait de discuter des
options de navigation selon la météo.
Depuis la séparation, nous ne pouvons compter
que sur nous-mêmes pour l'analyse des prévisions
météo.
Mais il y a plus ennuyeux: l'antenne de la BLU
(nous permettant de capter la météo
et les conversations avec les voiliers Hollandais)
ne marche plus! Plus moyen donc de déterminer
à l'avance les éventuelles zones
de mauvais temps et (d'essayer) de les éviter.
Nous ne pouvons pas non plus suivre l'évolution
de l'anticyclone des Açores: or si passer
en plein milieu est déjà pénible
(pas de vent pendant quelques jours), passer au
sud est pire, puisque cela signifie le vent et
la mer dans le nez! Et nous aimerions bien éviter
une fin de transat trop désagréable!
Nous espérons donc passer régulièrement
à portée de VHF d'autres bateaux
pour pouvoir leur demander les prévisions
météo!
Nous tentons régulièrement des
appels radio, mais pour le moment, pas de réponse.
Cette fois, ça y est, nous sommes seuls!
J7 - Lundi 2 juin - Grosse fatigue! - Encore une
très belle journée de nav!
La mer est hachée toute la nuit. Le bateau
est secoué par des petites vagues irrégulières,
et, lancé à plus de 7N, tape régulièrement
sur les plus grosses. Notre sommeil est à
chier haché, lui aussi!...
Petit point lumineux loin derrière, puis
loin devant loin devant plus tard, notre 6ème
cargo nous double en pleine nuit: bien plus rapide,
il arrivera quelque part en Europe ou en Afrique
une bonne semaine avant nous!
A l'aube, 2 heures de pluie pendant lesquelles
il n'y a pas de vent. Nous mettons le moteur et
prenons notre mal en patience... et puis le vent
revient, ramenant le soleil avec lui.
Ecole le matin et jeux l'après-midi pour
les enfants, avec la sortie du 2ème tue-l'ennui:
le Spirograph! Fleur prépare une carrière
d'interprète: elle sait faire le poisson,
le singe, le chat, le cochon, le lapin... bref
elle sait faire quasi tout les animaux... "-Mais
Fleur, comment ils font les hommes?" "-Aya!"
Pendant ce temps, les parents font à tour
de rôle de vaines tentatives de siestes...
Fatigués! Vraiment fatigués! Nous
nous consolons en nous disant que nous arriverons
bientôt au fameux palier constaté
lors de la transat aller: une fois dans cet état,
ça ne pourra pas être pire!
Et le poisson, il fait comment?
Et puis, les conditions sont idéales pour
naviguer, et ça, ça fait vraiment
du bien! Le vent est parfaitement régulier
à 15N toute la journée, Apache glisse
souplement à plus de 7N de moyenne et ces
dernières 24h, nous avons parcouru 170M,
soit 760 depuis notre départ des Bermudes!
Pourvu que ça dure!
Le grand beau temps est aussi revenu, il fait
à nouveau assez chaud pour ranger les pyjamas
d'hiver (c'est à dire à manches
longues... sortis aux Bermudes!!!). Les enfants
dorment, et passent la journée torse nu,
Nous croisons un 7ème cargo; celui-ci
fait route vers l'Amérique du sud.
Comme la veille, le vent fraîchit dans
la soirée: l'occasion de prendre 2 ris
dans la GV, que nous laisserons pour la nuit:
ça évite la pression, les manuvres
en pleine nuit, bref... nous dormirons mieux!
Nous ne faisons pas une course, et savons qu'il
vaut mieux garder des forces jusqu'à la
fin, on ne sait jamais (nous n'oublions pas la
panne de pilote automatique à la fin de
la transat aller!)
Mardi 3 juin - J8 - Mi-parcours - Encore une très
belle journée! - Tiens, un voilier!
Une seule manuvre pendant la nuit: nous prenons
un ris dans le génois.
Notre 8ème cargo nous passe au ras de
la jupe.
Le temps est légèrement voilé
toute la journée. Le vent oscille entre
10 et 20 nuds, la mer est très belle:
toujours aidé par le Gulf Stream, Apache
fonce entre 7 et 9 nuds.
C'est assez confortable pour qu'il y ait école!
Et oui, nous seulement, il faut bien la faire,
mais en plus ça a l'avantage de faire passer
la matinée plus vite! A l'aller, il n'y
avait pas eu beaucoup école pour cause
de mer trop agitée!
Dans l'après-midi, nous entendons un appel
radio en anglais: "Ici le voilier Ciprina.
Bateau aux environs de la position 37°30'
Nord, 47°30' Ouest, me recevez-vous?"
Il vient de Martinique et se rend comme nous
à Horta. Ça y est, les différentes
routes de transat commencent à converger!
Peut-être allons-nous commencer à
rencontrer plus de voiliers?!
Nous discutons météo; il nous confirme
que le cap direct sur Horta est ok, pour éviter
une forte dépression en formation plus
au nord, au niveau du 40°.
17h: 157M parcourus ces dernières 24h,
soit 917 au total. Après 8 jours de nav,
nous sommes à mi-chemin.
Nous prenons 2 ris dans la GV avant la nuit,
Puis un ris dans le génois peu avant minuit.
Mercredi 4 juin - J9 - Nous pétons un câble!
:-( - 1ères baleines!
A l'aube, nous entendons un grand bruit dans
le gréement, suivi par un ballottement
anormal du génois. Il ne faut pas longtemps
pour situer le problème: l'étai
(le câble reliant la tête de mât à
l'avant du bateau) est rompu au sommet du mât:
le génois n'est donc plus tenu que par
sa drisse, et plus grave, le mât n'est plus
retenu vers l'avant que par le bas-étai:
il risque donc de tomber à tout moment!
Nous sommes quand même bien secoués
par cette mauvaise nouvelle... mais comme pleurer
ne servirait à rien (quoique...), c'est
parti pour l'opération de secours :
- Vite! Il faut trouver de quoi remplacer l'étai!
Nous utilisons la drisse de spi, étarquée
au maximum. Elle sera doublée plus tard
par celle de génois... qui pour le moment
est hélas indisponible!
- Il faut rentrer le génois qui continue
à claquer. Oui mais comment? Nous n'osons
pas utiliser l'enrouleur de peur de le casser
lui aussi. Pas le choix: nous décidons
d'affaler le tout: génois encore déroulé
et tube d'enrouleur autour de l'étai. Au
premier essai, le génois se prend dans
les haubans, impossible de le décoincer
sans rehisser le tout, ce que nous faisons. Nous
prenons un peu d'angle par rapport au vent et
reprenons. Cette fois, le génois, poussé
par le vent, permet au tout de basculer doucement
sur le côté du bateau. Pendant que
Carole relâche la drisse de génois,
je ramène la voile sur le bateau... en
fin de manuvre, l'extrémité
du tube est posée sur le balcon arrière.
Il dépasse de 4m, mais c'est le dernier
de nos soucis!
- Retour à l'étrave: la patte métallique
de fixation de l'étai à l'étrave
s'est pliée pendant la manuvre: cette
pièce est foutue! Plus embêtant,
ainsi tordue, on ne peut plus la démonter:
le bas de l'étai reste donc fixé
en l'état à l'étrave. Pas
grave pour le moment.
- Au prix de gros efforts physiques, nous parvenons
à sortir le génois (lourd et coincé
entre le tube, le pont et les filières),
puis à plier le génois (100m2 de
toile rigide!).
- Il faut remplacer la voile d'avant. Apache
dispose d'un étai largable sur lequel on
peut monter une trinquette (voile de petite surface
utilisée par gros temps). Nous installons
le premier après avoir cherché et
retrouvé l'estrope encore jamais utilisée
(l'estrope est une rallonge qui fait le lien entre
l'étai largable et son point d'attache
sur le pont); nous sortons la trinquette de son
sac, fixons les écoutes et la drisse, endraillons
la voile puis la hissons sur ce nouvel étai.
- Nous doublons la drisse de spi avec la drisse
de génois maintenant disponible.
- Ayé! Nous avons un gréement de
fortune qui devrait faire l'affaire, tant que
le temps est clément avec nous! Nous reprenons
notre route, un peu plus sereins après
ce gros coup de stress. Mais nous ne sommes pas
certains non plus d'avoir fait tout ce qu'il fallait
faire, de ne rien avoir oublié. Et cette
VHF qui reste muette malgré nos appels...
Tout cela a duré près de 5h. C'est
une chance que cela ne soit pas arrivé
par gros temps! Le mât serait certainement
tombé immédiatement, cassant tout
ce qu'il peut dans sa chute et enfonçant
les voiles dans l'eau, faisant basculer Apache
lancé à pleine vitesse! Là
nous n'aurions pas eu 5h pour régler le
problème. Dans le meilleur des cas, c'est
à dire si le mât était resté
en place, nous aurions certainement été
obligés de larguer l'ensemble génois
- étai - tube - enrouleur, pour éviter
le sur-accident!
Nous avions pourtant bien inspecté tout
le gréement, et les haubans en particulier,
avant le départ des Bermudes, et n'avions
pas remarqué de faiblesses. Nous espérons
qu'il y aura quelqu'un capable de réparer
ça aux Açores...
Le point positif de cette affaire, c'est que
nous avons pu étrenner notre belle trinquette
toute neuve, et savons maintenant comment la mettre
en place! Il était temps: nous parlons
de faire un essai depuis avant le départ
de Canet en septembre 2007!
Pour les enfants, le côté positif,
c'est qu'ils ont échappé à
l'école! Ils passent pourtant la matinée
à jouer à la maîtresse, acceptant
avec sourire les dictées et problèmes
que Juliette distribue... il faudra que je pense
à lui demander des tuyaux à l'occasion...
L'après-midi est beaucoup plus agréable:
baleines, dauphins, "poissons multicolores"...
nous sommes bien entourés! Ce sont les
enfants qui prennent le clavier pour raconter
tout ça (voir plus bas).
17h: 150M parcourus en 24h, 1067 au total.
Avec la nuit revient l'inquiétude: notre
étai de fortune n'est évidemment
pas aussi solide qu'un câble, et nous ne
savons pas à quoi il peut résister.
Nous prendrons dorénavant les ris bien
avant la limite habituelle pour éviter
de trop solliciter le haubanage. Pour le moment,
le vent est aussi faible que pendant la journée:
5 à 8 nuds. Nous laissons donc toute
la toile dehors.
Mais nous avons mis les pinces coupe-boulons à
une place facilement accessible: si l'accident
devait arriver, ces longues pinces très
puissantes nous permettront de sectionner les
haubans pour larguer tout le gréement et
essayer d'éviter les dégâts
sur la coque.
Nous avons calculé que nous devrions avoir
juste assez de gasoil pour finir le trajet tout
au moteur, seul petit point de réconfort...
Les baleines, racontées
par les enfants
On a vu des dauphins. Aussi, on a vu des baleines
deux fois pour la même navigation!
Les 5 ans de Domitille sont arrivés le
1er Juin. Mais... On n'est plus le 1 er Juin.
Quand c'était l'anniversaire de Domitille,
nous avions mangé un bon gâteau!
C'est cool, c'est super, c'est trop bien!
En plus, on a fait un repas que je n'aime pas,
mais je l'ai fini plus vite que normalement.
Marin
On a vu 3 baleines! Papa a regardé sur
l'ordinateur pour voir lesquelles c'était.
Et c'était des baleines bleues, les plus
GROSSES et les plus rares des baleines!
Il y en avait 2 qui allaient dans le même
sens que nous et l'autre en sens inverse.
C'est celle-là qui a le plus respiré
! Sûrement pour aller dans les profondeurs!
En tous cas elles étaient belles !
On a aussi vu des bonites, avec leurs reflets
multicolores, à l'avant du bateau! Et des
dauphins qui ne sont pas restés là
très longtemps.
Philippine
On a vraiment de la chance! On était à
s'ennuyer dans les cabines, quand Papa a crié
"Baleines! Baleines!". On a accouru,
et on a vu un gros jet jaillir de l'eau!
Alors, on a hurlé : "Ouais! Des baleines!".
Et on est resté 10 min à les regarder
(on ne voyait que le dos), et puis, comme après
il n'y avait plus rien, on est re-rentré.
3 min après, Papa a crié: "Dauphins!
Dauphins!". On est re-sorti, comme la première
fois, Mais ils ne sont même pas restés
1 min! Bon! Pas grave, allez, on rentre!
RE-3MIN APRES Papa a RE-CRIE: " Bonites !
Bonites!". On est RE-SORTI, et RE- RENTRE!
Que de RE-!
A un moment, Pim a dit à Papa: "Quand
même, on a de la chance, hein?"
Juliette
Formidable, toutes ces baleines à moins
de 100m, les enfants voudraient encore s'approcher...
Nous reviennent alors des lectures indiquant que
surtout, il ne faut pas passer entre la mère
et son petit, elle le croirait en danger et viendrait
nous secouer les voiles... Quelle belle théorie;
et comment fait-on?
-"Bonjour Madame, désolé de
vous déranger, vos petits sont dans le
coin? Nous ne faisons que passer..."
Nous choisissons de nous en éloigner,
un coup de queue ne nous arrangerait pas du tout,
surtout avec ce mât...
Dessin de Domitille:
sous le "bateau", c'est elle qui se
baigne!
J10 - Jeudi 5 juin - Plus seuls! - Le temps se gâte
- Champ de baleines
Faut-il préciser que le sommeil n'est
pas très bon? A chaque mouvement un peu
brusque du bateau, nous craignons que le mât
ne nous tombe sur la tête! Il faut dire
les vagues font rouler le bateau régulièrement,
mouvement amplifié au sommet du mât...
Pendant la nuit, voyant un feu à l'horizon,
nous lançons des appels radio pour demander
les prévisions météo. C'est
un cargo, le 10ème, qui répond.
Mais nous avons du réveiller la personne
de quart car elle ne semble pas disposée
à nous les communiquer... Nous laissons
tomber.
Un peu plus tard, c'est le voilier anglais Beyzano,
parti des Bermudes le même jour que nous,
qui répond. Il est 10M derrière
nous. Il avait prévu une route directe
pour l'Angleterre, mais une forte dépression
sur la route le contraint à obliquer vers
le sud. Nous faisons de même car cette dépression
emmène sur notre route des vents de 30
à 40 nuds. Avec un gréement dans
cet état, mieux vaut éviter!...
Le vent monte ensuite à 15 N. Nous prenons
2 ris dans la GV pour être tranquilles.
Tranquilles, si l'on peut dire!...
Au lever du jour, Beyzano est visible derrière
nous. Nous attendons qu'il soit à notre
hauteur pour relâcher les 2 ris et ainsi essayer
d'aller à la même vitesse que lui.
Nous signalons à Beyzano notre "petit"
problème et leur demandons ce que nous
pouvons faire de plus pour renforcer notre étai
provisoire. Non, rien d'autre à faire,
mais ça reste quand même très
préoccupant et ils partagent notre inquiétude.
Rencontre en pleine mer avec Beyzano
Beyzano est en contact avec les Bateaux Hollandais
par BLU. Après leur vacation du matin,
Stephan, le skipper de Beyzano, nous rappelle:
la dépression se confirme. Le mieux est
de poursuivre sur cette route un peu trop sud
pendant 2 jours à bonne allure (au moins
6N) pour atteindre une zone où les vents
devraient être moins violents. Ils ont aussi
discuté de notre étai, et pensent
qu'en évitant de trop solliciter le mât
nous devrions pouvoir arriver à bon port.
Nous naviguons bord à bord toute la journée.
Quel réconfort! Ils sont aux petits soins
avec nous, surtout quand ils apprennent la composition
de l'équipage d'Apache. Ils nous appellent
dès qu'ils ont une info météo,
ou une suggestion pour notre gréement ou
des conseils sur les choses à faire en
cas de chute du mât (si le moteur est en
marche, penser à l'éteindre immédiatement
pour éviter que les manuvres ne se
prennent dans l'hélice, penser à
avoir la VHF portable prête, parce que l'antenne
de la VHF du bord est sur le mât...).
Avec la trinquette, notre surface de toile est
beaucoup plus petite qu'avec le génois,
et pour tenir les 6N, nous devons la plupart du
temps utiliser le moteur en appoint.
Dans l'après-midi, nous apercevons une
3ème perche d'homme à la mer. Décidément,
les hommes ne tiennent pas dans leur bateau par
ici!!
Nous essayons de la récupérer en
passant à ras. Mais la gaffe rate sa prise!
Tant pis: pas question de perdre le temps d'une
manuvre à la voile! Et puis comme dit
Carole, c'est un peu glauque quand même...
Pendant le petit détour pour s'approcher
de la perche, Beyzano a pris un peu d'avance.
Nous pensons mettre un peu de gaz pour le rejoindre,
lorsque nous réalisons que nous sommes
séparés de lui par un véritable
champ de baleines, se déplaçant
perpendiculairement à nous... le temps
de nous demander quelle conduite tenir, nous sommes
en plein milieu! Plutôt que faire une manuvre
brusque, nous préférons ne rien
faire, et traversons ce champ miné finalement
sans encombre!
Ouf! Autant on aimerait être plus proche
quand on voit une baleine à 100m, autant
on voudrait être ailleurs quand il y a partout
autour des bestioles 2 à 3 fois plus lourdes
que le bateau!
17h: 140M parcourus en 24h, 1206 depuis le départ
de cette traversée.
Beyzano nous rappelle après la vacation
BLU du soir: bonne nouvelle, il semble que la
dépression ne soit pas si forte que prévue
et qu'il ne soit plus nécessaire d'aller
trop au sud. Nous reprenons donc notre cap direct
sur Horta, en essayant de conserver une vitesse
de 6N. Nous aurons tout de même pas mal
de vent, mais rien de trop violent.
J11 - Vendredi 6 juin - V'là le mauvais vent!
Beyzano poursuit lui aussi sur cette route. Il
nous explique qu'avec ce temps il préfère
attendre pour reprendre sa route vers l'Angleterre,
mais nous le soupçonnons de ne pas vouloir
nous laisser seuls dans cette situation.
Nous ne protestons qu'à moitié:
nous sommes bien contents d'avoir à nouveau
une présence rassurante à nos côtés!
Pendant la nuit, le vent reste faible et un fort
courant traversier nous oblige à mettre
le moteur à haut régime pendant
plusieurs heures: pas bon pour la consommation!
Heureusement, peu avant l'aube, le vent remonte
à 10-15 nuds.
Au lever du jour: nous avons du monde autour
de nous: derrière, Beyzano et un énorme
cargo (le 11ème), qui va dans la même
direction que nous, et devant, un autre voilier,
probablement Ciprina, contacté la veille
par radio et qui a choisi de conserver une route
directe malgré la dépression...
Les prévisions météo nous
réservent une mauvaise nouvelle: nous allons
avoir des vents de 25-30N dès ce soir et
pour au moins 3j... Trop tard pour essayer de
les éviter! Dommage, si nous avions poursuivi
vers le sud toute la nuit, nous aurions été
à l'abri!
Probable dernier jour d'école de cette
nav: après ça bougera trop!
Puis boum improvisée dans le cockpit:
ça défoule! 1ère (et dernière)
tentative de pêche: bredouille!
Le vent fraîchit progressivement. Nous avons
15-20N l'après-midi.
17h: 155M parcourus ces dernières 14h,
1362 au total.
Nous traversons un grain: 25N de vent, 30 en
rafales. Nous prenons le 3ème ris. Ça passe,
sans casse! Ce "test de résistance"
du gréement est rassurant pour la suite.
Dans la soirée, le vent monte à
20N. La mer se creuse et avec ces vagues en travers,
Apache se transforme en shaker. Nous dormirons
peu! Mais nous sommes surtout inquiets pour le
mât!
Un petit grain qui s'approche...
J12 - Samedi 7 juin - Good bye Beyzano!
Vents entre 20 et 30N toute la nuit. Nous finissons
par affaler la GV. La trinquette seule suffit
pour tenir 7N, malgré les vagues qui nous
secouent dans tous les sens et cassent régulièrement
la course du bateau. Apparemment ça tient
bien, mais nous avons vu que ça pouvait
casser n'importe quand: l'étai s'est cassé
alors qu'il y avait à peine 10-15 nuds!
Nous croisons de nuit un 12ème cargo, qui
se dirige vers le sud, puis un 13ème qui
nous dépasse au petit matin. Tranquillement
posé sur cette mer pourtant forte, il donne
envie de finir la route avec lui!
Beyzano, que nous avons régulièrement
à la radio depuis notre rencontre, nous
demande comment s'est passée la nuit.
Il est temps pour lui de reprendre sa route vers
l'Angleterre (encore une douzaine de jours de
nav!), et il tenait à s'assurer avant de
nous quitter que nous nous sentions en sécurité.
Beyzano négocie une vague
Merci beaucoup à toi, Stephan, le skipper
de Beyzano, et à ton équipage --
Rob, Georges et Calvin -- d'avoir veillé
sur nous ces derniers jours! Et toutes nos excuses
à vos familles respectives pour les heures
que vous aurez passées en trop en mer à
cause de nous! En France, on dit "merci,
vous êtes un ange", c'est vraiment
ce que vous aurez été pour nous
pendant ces quelques jours!
Gros coup de blues en entendant qu'ils s'en vont,
mais nous devrions être arrivés dans
moins de 3 jours, ça va vite passer...
et puis après cette première nuit
de gros temps sans problème, nous sommes
effectivement (un peu) plus confiants concernant
le mât.
Mais il est temps que ça se termine...
Nous avons envie d'un bon lit frais et stable,
d'une nuit complète, de nous laver les
cheveux, de manger des fruits frais... et d'une
énorme glace!!!
En même temps, je (Carole) repense à
un passage du "Château de ma mère",
que je viens de re-re-re-relire: c'est la fin
de vacances merveilleuses passées dans
les collines, les adultes sont heureux de rentrer
pour retrouver leur confort, seul le petit Marcel
(Pagnol) est triste, et plus encore quand il entend
son oncle Jules adoré dire :
"- Eh bien moi, ce qui m'a manqué;
ce sont des cabinets confortables, sans fourmis,
sans araignées, sans scorpions et munis
d'une chasse d'eau."
"Voilà donc à quoi il pensait,
ce grand buveur de vin : parmi le thym, le romarin
et les lavandes, au chant des grillons et des
cigales, sous le ciel d'un bleu vif, il n'avait
pensé qu'à ÇA, et il l'avouait"!!"
Il ne faut pas que nous oubliions que cette transat
est un moment spécial : nous sommes au
milieu de nulle part, coupés du monde,
ce sont des instants magiques, que nous ne retrouverons
plus. Alors oui, il faut se déplacer en
se tenant à deux mains, voir valser les
assiettes et couverts sur la table, ne pas s'énerver
quand une troisième assiette de taboulé
se renverse sur les genoux de son propriétaire,
se réveiller la nuit pour aller s'allonger
dans le cockpit ("c'est à toi!"),
dans la nuit froide et inquiétante, et
économiser l'eau et les vivres....
Mais la transat aller nous a appris qu'au lieu
de compter les jours comme un prisonnier qui attend
sa libération, il vaut mieux compter les
jours qui restent à vivre cette aventure
tous ensemble, comme un enfant qui compte avec
tristesse les derniers jours de grandes vacances.
Bien sûr, l'angoisse est toujours là,
et l'arrivée sera une bonne nouvelle. Mais
contrairement à ce que nous semblions attendre
à l'aller, il n'y aura ni récompense,
ni médaille ou diplôme à l'arrivée.
Comment? Au ski, après une semaine, on
revient forcément avec une étoile
en plus, alors là, l'Atlantique, ça
vaut bien... une palme d'or, non? Non, non, rien.
C'est bien que l'essentiel est ailleurs ; ça
vaut juste l'immense fierté de l'avoir
fait. Et ça vaut aussi le coup d'en profiter
et d'apprécier chaque instant. Ce qui ne
nous empêchera pas de demander une double
dose de chantilly sur nos glaces!!!
Ces derniers jours sont très éprouvants:
avec cette mer, les enfants sont interdits de
sortie. Et les parents ne passent dehors que le
minimum nécessaire pour la surveillance
des alentours et les réglages de (l'unique)
voile.
La surveillance demande d'ailleurs, de jour comme
de nuit, une vigilance accrue car l'horizon est
masqué par les vagues: il nous faut donc
plusieurs balayages pour nous assurer qu'il n'y
a pas de danger. Heureusement, la plupart du temps,
le ciel est dégagé et la visibilité
assez bonne.
Alors Marin, c'est comment cette traversée?
17h: 155M parcourus en 24h, 1517 depuis le départ.
Nous apercevons à quelques centaines de
mètres une nouvelle perche d'homme à
la mer! Rien de tel que ces signes funestes pour
nous miner le moral!...
Dans la soirée, un cargo répond
à notre demande de prévision météo.
Pas de changements significatifs d'ici l'arrivée.
Merci, bonne route!
Un autre cargo (j'arrête de compter) nous
double un peu plus tard.
Dimanche 8 juin - J13 - Le vent est contre nous
- Panne moteur!
Le vent souffle à 20-30N toute la nuit
et tourne à l'est -sud-est: pour éviter
le près qui solliciterait trop le gréement,
nous modifions d'autant notre route vers le nord.
La conséquence est que nous aurons besoin
de vent plus favorable d'ici demain si nous ne
voulons pas rater notre destination!
La mer reste forte elle aussi: Apache prend en
permanence de bonnes claques sur le côté,
et des paquets d'eau passent régulièrement
par dessus le pont et le cockpit.
Le matin, les conditions n'ont guère changé.
Mais il fait jour, il fait soleil, on se sent
mieux!
Nous sommes toujours sous trinquette seule, et
depuis cette nuit, le moteur tourne non stop.
L'objectif est d'essayer de maintenir une vitesse
de 7N pour tenter une arrivée à
Horta demain avant la nuit (il reste 250M). Mais
il faudra aussi faire avec les éléments:
si le vent continue à refuser (c'est à
dire tourner pour nous venir dans le nez), si
la mer devient plus dure, nous devrons tenir une
nuit de plus!
Un cargo répond d'ailleurs à notre
demande de météo. Tendance à
l'accalmie dans la nuit, et rotation du vent au
sud ouest demain: si cela se confirme, c'est parfait:
cela nous permettra de revenir sur la route.
A 14h, le moteur s'arrête! Nous le redémarrons
à plusieurs reprises mais il recale aussitôt...
Décidément, le sort s'acharne sur
nous: plus de radio BLU, plus de météo,
un gréement qui ne demande qu'à
s'effondrer, plus de génois, le vent qui
refuse et maintenant plus de moteur!!!
Bon allez on se calme, on essaie de régler
le problème: le moteur démarre,
mais ne tient pas? Probablement de l'air ou une
saleté dans le circuit. Malgré le
roulis du bateau, nous passons 3h à faire
de la mécanique dans les vapeurs de diesel:
démontage / nettoyage du pré-filtre,
remplacement du filtre, purge du circuit d'alimentation...
rien à faire, le moteur ne veut rien savoir!...
Tant pis, nous sommes fatigués, et peut-être
pas assez lucides pour réparer la panne
maintenant. Pour le moment pas besoin de moteur.
Nous y repenserons après une "bonne
nuit" de sommeil (on peut rêver!).
A 17h, nous croisons un cargo qui nous confirme
que le vent devrait tourner au sud-ouest, donc
nous permettre de reprendre le cap sur Horta.
Nous avons parcouru 153M ces dernières
24H, et 1670 depuis le départ. Reste 190M
pour Horta, désormais impossible à
atteindre d'ici le lendemain soir ;-(
La nuit arrive avec 30-35N de vent...et puis
l'anémomètre décide de se
coincer lui aussi... plus d'info sur la force
du vent. Bon, tant pis!
J14 - Lundi 9 juin - Arrivés à Vila
Das Lajes (Flores) - YeeeESSS!
Le vent reste à force 7 toute la nuit.
Et refuse de tourner! Nous décidons de
changer d''île d'arrivée: nous irons
sur Flores, "l'île la plus occidentale
d'Europe" (les Açores sont portugaises).
de toute façon, nous n'avons pas le choix,
nous pouvons même nous estimer heureux d'avoir
Flores sur la route, sans quoi nous aurions pu
naviguer encore longtemps avant de trouver de
la terre!
Une lumière un peu en avant dans la nuit:
c'est le voilier français Emma, qui va
aussi sur les Açores. Lui aussi est en
panne de moteur et envisage une arrivée
au mouillage à la voile. Nous ne nous sentons
pas aussi à l'aise et prévoyons
plutôt un appel radio pour demander de l'assistance
à l'arrivée. Un bateau pilote devrait
pouvoir nous accueillir, d'après notre
vieux guide.
A 4h30 locales, nous appelons. C'est Florence,
au mouillage sur son voilier Balaou, qui nous
répond (désolés de t'avoir
réveillée!). Non, il n'y a plus
de capitainerie ni de pilote dans ce petit port
depuis bien longtemps. Il ne s'agit que d'un mouillage;
il y a bien un quai, mais réservé
aux cargos et aux pêcheurs.
Mais sans moteur, nous préférons
ne pas mouiller, car si l'ancre dérapait,
nous ne pourrions rien faire. Florence nous rassure,
nous pouvons nous installer sur un quai, il n'y
a que très rarement des cargos.
Nous nous mettons à la cape au large du
petit port de Vila Das Lajes, en attendant que
l'organisation se mette en place.
Emma entre dans la baie et mouille sans assistance.
Vient notre tour. Mais nous avons trop dérivé
pendant la mise à la cape, et il nous faut
revenir au près serré. Mais sous
trinquette seule, poussés par le vent et
le courant, nous nous approchons dangereusement
des récifs. Virement de bord pour s'éloigner,
puis nouvelle tentative: cette fois c'est la bonne.
Nous rentrons dans la baie, affalons la trinquette,
envoyons des bouts aux annexes venues nous aider.
Elles nous amènent le long du quai où
nous nous amarrons... Ouf! Merci à Flo
et Béru de Balaou, à Daniel de Jac
Daniel, et aux autres venus aussi à la
rescousse. Et encore désolé pour
ce réveil matinal!
5h du matin heures locales (=UTC): après
13,5 jours de nav et quelques vilains ennuis,
nous voilà arrivés sains et saufs!
La pression peut retomber!
Il nous tarde une bonne nuit de sommeil, avant
de nous occuper de réparer le moteur, l'étai
et la BLU, nettoyer et ranger le bateau qui en
a bien besoin, laver le linge qui commence à
moisir, mettre en ligne le carnet... bref, la
routine!
Après, si le temps le permet, nous prendrons
peut-être le temps d'aller faire un tour
dans cette île réputée magnifique
par beau temps... Mais pour l'instant, nous sommes
toujours en pleine dépression (atmosphérique!!,
nous ça va!!!), et pour quelques jours
encore!