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    19. Traversée Mer des Caraïbes : Venezuela - République Dominicaine
2 au 6 avril 2008
 
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2 avril - Départ de La Blanquilla - Temps à grains - Record de vitesse sur 24h

Nous partons vers 15h, en nous disant que si cela souffle trop, nous rebrousserons chemin ; En effet, d'après les prévisions météo, nous devrions avoir du vent (25 nœuds annoncés) et des grains pendant 2 jours, mais une arrivée calme dans le Mona Passage, réputé pour ses coups de vent.

Avec 3 ris dans la grand voile, et 2 dans le génois, nous avançons à 8 nœuds, mais ça n'est pas inconfortable. En fin d'après-midi, le vent tombe même à 15 nœuds, et nous croisons nos derniers dauphins Vénézuéliens, venus saluer notre départ.

Mais les premiers grains arrivent dans la soirée, alors que nous passons à hauteur de Grenade. Le vent remonte à 30 nœuds avec des rafales à 35 nœuds, la mer se creuse (4 à 5 m), et nous sommes régulièrement douchés.

Pour l'instant, le moral est bon, il y a un peu plus de vent qu'annoncé, mais cela reste supportable. Pendant la nuit, nous passons successivement à hauteur des Grenadines, de Saint-Vincent et de La Barbade.

Nous filons vite, et avec 170 milles parcourus et plus de 7 nœuds de moyenne, Apache bat son record de vitesse sur 24h!


3 avril - Gros grains

Nous espérons que, comme dans les films, la mer se calme à l'aube, mais pas du tout. Le vent ne descend plus en dessous de 35 nœuds. A la hauteur de la Martinique, il atteint 45 nœuds. La mer se creuse encore à 5 ou 6 m. Nous alternons les douches d'eau de mer, quand les vagues déferlent dans le cockpit, et d'eau douce, avec la pluie.

Du coup, il est impossible d'ouvrir les capots. Le manque d'air plus les mouvements du bateau, qui tape dans les vagues rend la situation très difficile pour tout le monde. Les enfants n'ont jusqu'à ce jour jamais vraiment souffert de mal de mer et ont toujours continué à jouer aux playmobils, lire ou dessiner.

Cette fois-ci, ils sont prostrés, allongés dans le carré en attendant que ça passe... On ne peut même pas leur proposer un film: les secousses du bateau risquent de faire tomber l'ordinateur. Seule Fleur a la pêche, réclame son bib et ne comprend pas pourquoi on l'empêche de gambader dans le bateau!...

Impossible de cuisiner dans ces conditions; J'avais prévu des repas d'avance, mais personne n'a vraiment faim.

En fin de journée, au niveau de la Dominique, l'anémomètre n'en croit pas ses yeux, il monte à 50 nœuds... C'est la machine à laver à l'intérieur, cycle essorage long, long, long... ça bouge dans tous les sens, nous engouffrons des vagues par la descente, il faut éponger toute cette eau de mer avec des serviettes qui finissent par être toutes trempées et dégoulinantes; La seule place supportable est l'entrée du cockpit, mais à 7, c'est un peu juste... Nous alternons donc, et les enfants n'ont le droit de sortir la tête que pour vomir, et encore, avec un harnais! Ils acceptent tout ça sans rien dire, complètement vidés.

Le vent ne baisse toujours pas, et le moral est au plus bas pendant cette deuxième très mauvaise nuit... Cela s'appelle cette fois-ci le "mal de mère" : quand la petite boule d'angoisse que toutes les mamans ont au fond du ventre se met à grandir parce que leurs enfants sont en danger, une sorte de panique s'installe et l'on se demande ce qu'on fait là.... pourvu que tout finisse bien, que le bateau tienne, que le mât reste là, que le pilote supporte cette grosse houle croisée, que la quille ne tombe pas......Du coup, Jean-Philippe ne me réveille pas pour mon 1er quart, il passe pratiquement toute la nuit dehors, trempé malgré veste et salopette de quart, et me dira qu'il valait mieux que je ne vois pas ça...

Malgré les creux, Apache effectue 150 milles en 24h. C'est le seul élément encourageant: nous avançons toujours aussi vite et sommes donc "bientôt" arrivés! Pourtant, cela nous paraît interminable...


4 avril - Toujours très vite

Arrivés au niveau de la Guadeloupe, les grains se calment un peu, le vent se pose à 30 nœuds, puis à 25 nœuds en fin de journée. le soleil fait même une percée, mais très vite, les grains accompagnés de pluies reprennent. On a pourtant l'impression que le pire est passé.

Dans la soirée, nous passons à hauteur d'Antigua et Barbuda.

Dans la nuit, nous atteignons l'île de Mona, à l'entrée du Mona Passage. A la VHF, nous percevons une communication des "U.S. Coast Guards" de Puerto Rico. Nous leur demandons des infos météo : RAS. Très bien, nous continuons; sinon, nous nous serions arrêtés au sud de la République Dominicaine en attendant une fenêtre pour passer le Mona, mais la remontée le long de la côte aurait été difficile.

Encore 160 milles parcourus en 24h.


5 avril - Mona Passage - Répit inattendu

A l'entrée du Mona, nous sommes sous le vent de Puerto Rico : il tombe à 15 nœuds, et même à 10 nœuds dans la journée! Apache, fortement gîté depuis 3 jours, se pose lui aussi ; et cette fois, comme dans les meilleurs films, après la pluie le beau temps, le soleil brille vraiment toute la journée, nous aérons, faisons sécher tout le linge trempé, passons la journée dehors à regarder la mer plate, et mangeons enfin un vrai repas.

La sortie du passage nous inquiète un peu, nous nous attendons à retrouver du vent, mais pas du tout, nous sommes même obligés de mettre le moteur si l'on veut arriver à Luperon le lendemain avant la nuit. La soirée s'écoule tranquillement, et les enfants sont récompensés de leur patience par une soirée ciné reposante: "Lassie": aucune action, aucune intrigue.... juste pour le plaisir des yeux!...


6 avril - Côte nord République Dominicaine - Encore de la grosse mer!

Après une "bonne" nuit, nous espérons arriver en milieu d'après midi.

La matinée est très calme, juste assez de vent pour un génois bien gonflé. Mais vers midi, la mer se remet à se creuser, le vent monte... Oh, non, allez, ça suffit, on est presque arrivés...

Nous arrivons près de la baie de Luperon, et n'avons aucune information sur son approche, nous savons juste que l'on ne peut pas passer n'importe où parce que la baie n'est pas profonde...

Le vent souffle à 30 nœuds. Nous passons un appel à la VHF "bateau arrivant à Luperon a besoin d'aide pour l'approche"...

Un américain finit par nous répondre, il nous donne les coordonnées d'approche de la baie (invisible depuis le large), et nous attend avec son annexe à l'entrée du mouillage. Un ami à lui est venu le rejoindre, nous les suivons au ralenti dans la passe conduisant au mouillage. On ne voit absolument pas le fond, l'eau est marron; le sondeur s'affole... et Apache touche un instant le fond... "Rien à craindre, au moins 1m de vase au-dessus du dur", nous disent les américains. Nous nous dégageons très facilement, mais sommes inquiets pour la suite!

Encore un passage impressionnant: nous passons à moins de 10m d'une plage! Il faut avoir confiance pour passer là! Mais pas le choix: de l'autre côté, on voit bien le banc de sable affleurant!

Nous découvrons finalement un immense mouillage qui s'enfonce dans la mangrove, il y a une cinquantaine de bateaux, assez proches les uns des autres. Nous trouvons un espace qui paraît libre, et nous y reprenons à deux fois pour poser l'ancre, la fatigue et les 30 nœuds de vent n'aidant pas...

Les bateaux sont pour la plupart américains, il y a un canal normalement utilisé pour les appels (le 68), sur lequel ils discutent toute la journée, notamment des allées et venues des uns et des autres.... Ce mouillage a des allures de lotissement, comme à Curaçao et à Gibraltar, et nous déplait au premier abord.

Mais deux heures plus tard, alors que nous commençons enfin à nous détendre, nous réalisons que nous avons dérapé, et que le vent, qui n'a pas molli, est en train de nous pousser sur un bateau...la manœuvre se fait comme souvent dans les cris, parce qu'entre le bruit du moteur et celui du vent, c'est la seule façon de s'entendre... Nous sommes cernés par les bateaux, il y a un banc de sable juste à côté... et toujours ce vent...

Heureusement, le même américain arrive en annexe, puis un autre, puis un troisième. Ils poussent le bateau sur les côtés pour l'aider à se maintenir face au vent pendant que nous essayons de remonter l'ancre. Puis ils nous indiquent un autre endroit mieux abrité du vent par la mangrove... et ne repartent que lorsque nous sommes solidement ancrés... nous revoyons alors forcément notre mauvaise première impression, et réalisons que s'ils s'épient les uns les autres, c'est aussi pour la bonne cause!

Parmi les trois personnes venues nous aider, il y a Philippe, un français parti depuis très longtemps. Seul à accepter une bière en guise de remerciement (en fait, il est franco-belge...), il monte à bord et nous indique tous les petits trucs à savoir en arrivant (où est la police, la douane, à combien s'élèvent les "petits cadeaux" qu'il faut faire aux douaniers...).

A 19h00, tout le monde est couché, l'angoisse et l'anxiété sont oubliées.

Nous nous endormons en pensant à Christophe Colomb, qui a posé son ancre non loin de là, le 5 décembre 1492; il a découvert ce pays lors de son premier voyage au nouveau monde, juste après Cuba, et se croyait aux Indes.... ce qui relativise bien nos "aventures"!

Carole

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