Une fois de plus, nous avons l'impression de
nous réveiller sur un lac. Quel calme.
Pas un souffle d'air. Nous en profitons pour remouiller
tranquillement et nous éloigner du bateau
voisin.
Nous affalons aussi le génois, sa bande
anti-u.v. a besoin d'être recousue sur toute
la longueur, nous espérons trouver un artisan-voilier
à Luperon.
Alors que nous prenons notre petit-déjeuner,
trois hommes arrivent, se présentant comme
"les autorités": ils montent
à bord avec leurs rangers (grrr...), nous
saluent, plaisantent ("cinco ninos?!!!!")
et nous expliquent qu'ici il y a des taxes officielles
d'entrée sur le territoire, mais aussi
une sorte de coutume qui consiste à faire
"un petit cadeau" au commandant, pour
qu'il garde bien notre bateau. Bien sûr,
"ce n'est pas obligatoire, mais alors on
ne sait jamais ce qui peut se passer si personne
ne surveille..."
Ils nous demandent les papiers du bateau. Jean-Philippe
fouille dans la table à cartes et ne les
trouve pas, ce qui ne les fait pas tellement rire.
Surtout quand ils comprennent qu'il les a perdues
à la marina la veille au soir, alors que
Philippine et lui avait fait un aller-retour rapide
avec l'annexe du Franco-belge Philippe, pour aller
consulter nos mails. Il n'était pas censé
mettre un pied à terre avant d'avoir vu
les autorités...
Bon, ça n'est pas grave, nous avons des
photocopies. Ah non, tiens, il manque des pages...
Finalement, ils nous demandent gentiment mais
fermement d'aller récupérer nos
papiers à la marina, pendant qu'ils attendent
à bord. Mais notre annexe est encore dégonflée
et rangée sur le roof, cela risque de prendre
du temps... Ils nous donnent donc finalement rendez-vous
à 14h au bureau de l'immigration, après
nous avoir rappelé que sans papiers nous
risquons d'avoir de gros problèmes pour
entrer sur le territoire.
Nous savons surtout que si les autorités
dominicaines ont mauvaise réputation, celles
de Cuba sont réputées pour leur
manque total de souplesse. Nous ne pourrons pas
y aller sans nos papiers. Il faut absolument les
retrouver!
Comme ça n'est décidément pas notre
jour, le moteur de l'annexe ne veut pas démarrer.
Jean-Philippe démonte tout, et casse une
pièce.... "Y'a des matins comme ça!
"
Nous sommes donc bloqués sur Apache, alors
que nous avons bien besoin de nous dégourdir
les jambes puisque nous sommes à bord depuis
5 jours.
Jean-Philippe réussit finalement à
"arranger" le moteur, mais l'accélérateur
est bloqué à mi-course, ce qui donne
des départs et des arrivées un peu
sportifs! Nous finissons aussi par retrouver nos
papiers en fin d'après-midi, la personne
qui s'occupe du wifi les avait embarqués
par mégarde... Ouf, nous en étions
déjà à imaginer joindre l'ambassade
pour en avoir de nouveaux.
Nous passons une heure dans les locaux des autorités,
et versons de nombreux dollars pour les différentes
taxes d'entrée. Encore une 1/2 heure pour
une inspection du bateau, réalisée
pour "les ministères de l'hygiène,
de la mer et de l'agriculture" (ou quelque
chose d'approchant), en fait un autre prétexte
pour nous demander 20 dollars de plus.
Enfin nous pouvons aller visiter Luperon!
Et cette fois, c'est une bonne surprise qui nous
attend: un village plutôt qu'une ville,
où tout le monde nous sourit, nous dit
bonjour, des rues bordées de maisons minuscules
et colorées, de la musique partout, des
enfants qui courent, des poules, des chiens, des
ânes et des chèvres qui traversent
à tout moment, obligeant les nombreuses
motos à slalomer...
C'est vivant, gai, bon enfant, on s'y sent tout
de suite bien...
Nous sommes en pleine période électorale:
en mai, les Dominicains élisent leur président!
Partout dans le pays, même dans cette petite
ville, des affiches, des fanions, des autocollants
très colorés ventent les mérites
des quelques 25 candidats! Chacun affiche sa préférence
sur son tee-shirt, sa casquette, sa moto, et même
la façade de sa maison!...
Nous terminons la journée dans un bar-restaurant,
qui a une connexion internet, un baby-foot, une
piscine, une immense terrasse, du poulet grillé
accompagné d'une sauce divine, de la bière
bien fraîche... Nous oublions notre première
matinée et commençons enfin à
apprécier la République Dominicaine!
Le lendemain, nous apercevons le voilier français
Yalling'up, avec qui nous étions à
couple à Madère; ils partent dans
quelques jours pour Cuba, nous nous retrouverons
peut-être pour la traversée vers
les Bahamas.
Nous continuons notre découverte de Luperon,
et le charme agit toujours. Philippine et Domitille
se font faire des tresses (Juliette n'aime pas
DU TOUT). A midi, nous déjeunons dans une
petite gargote, le menu typiquement dominicain
"pollo frito, arroz blanco y habichuela"
(une sauce à base de haricots rouges).
Les enfants se régalent, c'est une bonne
nouvelle, parce qu'il semble que le choix ne soit
pas très varié, et étant
donné les tarifs très bas des repas
en ville et le fait que nous ne pouvons pas faire
la vaisselle avec l'eau noire du mouillage, nous
allons souvent manger dehors!
Nous récupérons notre génois,
cousu en un temps record, pour un prix défiant
toute concurrence (40 euros!!!), et avec autant
de savoir-faire qu'ailleurs! Si notre escale avait
mal commencé, les choses semblent vraiment
s'améliorer!
Nous décidons d'ailleurs de louer une
voiture pour quelques jours, et de partir visiter
l'intérieur de l'île. Des vacances
scolaires sont décrétées,
nous partons en "vacances du bateau"!
Jeudi 10 avril - En voiture ! - Puerto Plata - Santiago
- Hôtel moins cher que le ponton!
Nous récupérons notre voiture vers
10h du matin, armés de nos sacs de voyage
et de couchage, au cas où. Les enfants
sont excités, c'est un 4X4: ils sont 4
sur la banquette arrière (Fleur tient encore
dans son maxi cosy, ouf!), et 1 dans le coffre,
le bonheur!
Nous faisons une première halte à
Puerto Plata, la ville principale de la côte
nord. balade dans le centre, petit tour par le
marché: nous craquons pour une statuette,
symbole des premières femmes Tainos (le
peuple Indien qui vivait ici à l'arrivée
de Christophe Colomb), et un hamac (nous en cherchions
un depuis le Venezuela!!!). Ce sont
les premiers "souvenirs" que nous achetons
depuis le début du voyage; et encore, le
hamac a plus une valeur symbolique... sachant
qu'aujourd'hui on trouve l'artisanat du monde
entier dans le moindre petit marché en
France, et des statuettes africaines même
chez Ikea, il est très difficile de trouver
quelque chose de vraiment original... et qui tient
dans le bateau !
Nous déjeunons dans une toute petite taverne
qui sent un peu "l'animal mort", comme
disent les enfants. Les gens semblent surpris
de voir des gringos s'installer parmi eux, mais
c'est bien ce que nous voulons! La patronne nous
sert le plat typique (poulet frit et riz), puis
nous fait goûter ses aubergines marinées...
un régal!
Mais nous ne sommes pas très emballés
par cette ville et décidons de rejoindre
Santiago, à une soixantaine de kilomètres.
Nous empruntons une route de montagne, et découvrons
le cur de l'île. La végétation
est magnifique, abondante, envahissante. Les maisons
sont toujours aussi colorées, mais les
gens manifestement très pauvres. Les routes
sont complètement défoncées,
et l'on croise régulièrement des
habitants en train d'essayer de combler les trous
avec des pierres; ce sont le plus souvent des
enfants.
Et puis l'on découvre d'un coup des dizaines
d'échoppes sur le bord de la route, qui
vendent toutes exactement la même chose,
c'est à dire des bananes ou des mangues.
Mais à qui comptent-ils vendre tout ça?
Il y a si peu de passage! Et pourquoi s'installent-ils
tous au même endroit?
Nous arrivons à Santiago en fin d'après-midi.
Alors que nous nous promenons sur la place principale,
nous faisons la connaissance d'un étudiant,
très heureux d'entendre parler français.
Il nous parle de son pays, et résume (en
plaisantant ?): "la population est 80% catholique,
15 % protestante, 5% un peu tout le reste... mais
par contre, 100% alcoolique.., c'est le seul problème!"
Il nous indique une pension toute proche; c'est
parfait, il y a deux chambres libres côte
à côte, avec douche et même
télé, très propre... le tout
pour 28 euros!!! C'est une bonne nouvelle, nous
étions prêts à dormir dans
la voiture pour limiter les frais...
Après une bonne douche, nous repartons
passer la soirée en ville, mangeons des
perros calientes et empanadas en nous promenant
dans les rues bruyantes et animées de Santiago.
Nous passons ensuite une très bonne nuit
dans un vrai lit, ce qui ne nous était
pas arrivé depuis 7 mois!
Vendredi 11 avril - La Vega - Jarabacoa - La Vega
Toujours aussi matinaux, les enfants viennent
nous réveiller parce que leur télé
ne marche pas... Un épisode de Scooby doo
et de "Tarta de fresa" plus tard, nous
partons nous acheter un petit déjeuner
en ville. Jean-Philippe n'adore pas commencer
la journée par un supermarché, mais
c'est finalement un bon indice de développement,
et cela donne une idée du quotidien des
gens! C'est d'ailleurs le plus fourni que nous
ayons rencontré depuis... les Canaries!
L'offre est très Européenne. Santiago
est une ville qui bouge, remplie d'étudiants
: on y trouve une fac de droit, une fac de médecine,
une école d'ingénieur. On se dirait
en Espagne il y a quelques années, tout
est organisé autour de la place principale
(Plaza mayor).
Nous poursuivons notre route vers le sud, malgré
les protestations des enfants qui trouvent l'hôtel
"super parce qu'on voit la télé
même quand on est dans la douche..."!
Nous passons encore une fois par une route de
montagne, et constatons à nouveau le grand
écart de niveau de vie entre citadins et
ruraux. Les gens sont sales et pieds nus le plus
souvent. Seuls les écoliers sont tous beaux
avec leur uniforme: chemisette bleu ciel, pantalon
beige, et chaussures fermées, on imagine
quel effort cela représente pour eux d'arriver
tout propre à l'école, en passant
par des sentiers poussiéreux de montagne
(surtout quand on sait qu'il faut 10 secondes
aux nôtres pour se salir, même en
ville...)!
Encore une fois, il y a des échoppes sur
le bord de la route, qui vendent cette fois-ci,
toutes, quelque chose qui ressemble à des
roues de fromage...à qui? Nous ne savons
toujours pas!!!
Nous atteignons Jarabacoa vers midi : sandwiches
et bananes sur la place, puis nous partons à
la recherche des ses fameuses cascades.
A notre arrivée au "salto Baïguate"
tout un car de touristes s'en va, nous avons les
chutes rien que pour nous. L'eau est glacée,
cela fait un bien fou ! Après une bonne
baignade, nous devons partir. C'est à ce
moment-là qu'un nouveau "contingent"
de touristes arrive. Et avant même de les
entendre (le bruit de la cascade est assourdissant),
rien qu'en les observant, nous savons, nous en
sommes sûrs... en les croisant, nous en
avons la confirmation: ils sont français...
pourquoi sont-ils (sommes-nous?) repérables
d'aussi loin?!... Les enfants les croisent en
disant "holà", (ils n'ont pas encore
l'il), et nous passons incognito jusqu'à
ce que Domitille hurle "Maman, la grosse
dame, elle parle français...". Allez,
vite, en voiture!
Plus loin, nous nous arrêtons sur le bord
de la route pour voir ce que sont finalement ces
grosses boules qui ressemblent à du fromage:
ce sont en fait des galettes de maïs, qui
s'appellent "Arepas", comme au Venezuela,
mais sont présentées différemment.
Nous sommes garés juste devant l'école,
et c'est l'heure de la récré. La
maîtresse nous fait signe d'approcher. Elle
est contente, parce que "Les américains
ne s'arrêtent jamais!". "Mais
nous sommes français...". "Oui,
oui..." (sous-entendu, c'est pareil!)
Elle nous propose d'attendre la fin de la classe,
elle habite dans la ville où nous comptons
passer la nuit et nous indiquera un petit hôtel.
Nous la suivons, et c'est finalement chez elle
qu'elle nous propose de dormir, dans un quartier
à l'extérieur de la ville... Nous
nous sentons un peu piégés, mais
arrivons à refuser poliment... nous souhaitons
profiter du centre ville, et être un peu
plus libres de nos mouvements. Sans compter que
débarquer à 7 nous semble un peu
gonflé.
Nous arrivons un peu tard à La Vega, et
entrons dans le premier hôtel que l'on nous
indique, chez "San Frank", c'est encore
moins cher qu'à Santiago, mais vraiment
plus simple et plus douteux... Bon, cette fois,
nous sortons les taies d'oreillers amenées
au cas où, cela fera l'affaire... Comme
la veille, Fleur fait une inspection de la chambre,
et découvre des merveilles qui n'existent
pas sur le bateau: elle teste tous les tiroirs,
les prises électriques, la télécommande
et les lampes de chevet qui s'allument, qui s'éteignent,
qui s'allument, qui s'éteignent, qui s'allument...
Après une balade en ville et une pizza,
nous rentrons nous coucher, et réalisons
alors qu'il s'agit probablement d'un hôtel
de passe. Le gérant nous prévient
d'ailleurs de ne pas laisser la télécommande
aux enfants, il y a une chaîne "adulte" à
la télé... bon, tout le monde au
lit!
Samedi 12 avril - De La Vega à Saint Domingue
Nous sommes toujours réveillés
aussi tôt . Le programme prévu est
un petit déjeuner en ville, puis passer
la journée à Saint Domingue, la
capitale, au sud du pays.
Nous trouvons un marché, le menu est donc
fruits, pain et même chocolat, quel chance!
Ce quartier est bien plus pauvre que celui où
nous avons dormi: les enfants sont pieds-nus,
et beaucoup mendient. Personne ne nous a jamais
demandé d'argent au Venezuela; ici, nous
rencontrons beaucoup d'enfants apparemment laissés
à eux-mêmes. Déjà dans
le village à Luperon nous avons été
frappés de voir des tout-petits seuls en
ville (certains ont encore une tétine!),
à toute heure du jour et de la nuit.
Cela impressionne beaucoup les nôtres,
mais ils semblent aussi intéressés
par cette liberté!
Un quartier de La Vega
Sur la place principale, des majorettes s'échauffent,
elles se préparent pour une marche pour
la paix. Les enfants demandent si cela existe
en France; j'avoue que je ne sais pas si l'on
en trouve encore beaucoup.
Après le spectacle, nous embarquons vers
Saint Domingue, cette fois par l'autoroute. Et
si la nonchalance est un art de vivre dans toutes
les Caraïbes, cela ne concerne pas la conduite
automobile... Que ce soit dans des voitures complètement
pourries ou flambant neuves, ils se comportent
tous comme sur un circuit, doublent à droite,
à gauche, ou entre 2 files, ne voient pas
l'intérêt du clignotant, et surtout,
surtout, comble de virilité... klaxooooooonnent
sans arrêt! C'est réellement impressionnant,
même pour nous qui avons passé nos
permis de conduire à Aix-en-Provence et
Toulon ; ici Samy Naceri serait relégué
dans la voie "Véhicules lents"
avec son Taxi!
A notre arrivée à Saint Domingue,
nous décidons de commencer par chercher
un hôtel dans la vieille ville, le quartier
colonial. Nous comptons rester deux nuits ici,
et ne voulons pas nous retrouver coincés
comme la veille.
Il y a quelques grands hôtels, mais ils
ne sont pas dans nos moyens, et très touristiques.
Nous cherchons donc encore une pension.
C'est l'occasion de visiter des arrière-cours,
de magnifiques entrées qui débouchent
sur des immeubles en ruine, des portes miteuses
qui cachent de splendides terrasses...
Nous avons du mal à trouver: il faut dire
que nous avons un format particulier, il nous
faut deux chambres, côte à côte,
ou une très grande!
A la recherche d'un hôtel
Le sixième hôtel est le bon: d'ailleurs,
il s'appelle "La Baraka"! Tenu par des
Haïtiens (il y en a beaucoup ici, venus tenter
leur chance dans ce pays voisin du leur) il est
au premier d'un immeuble crasseux. Mais à
l'intérieur, tout est très propre,
très joliment décoré, il
y a une grande pièce centrale à
ciel ouvert. Nous avons l'impression d'être
invités dans une maison, il n'y a d'ailleurs
que nous, les 4 autres chambres de l'étage
ne sont pas occupées.
2 chambres, 2 salles de bain, une grande pièce
à vivre, une cuisine... nous disposons
d'une véritable suite royale en plein quartier
colonial pour la modique somme de 50 euros les
2 nuits, à 7!
Nous passons la soirée en ville, sur les
traces de Colomb. Sa mémoire est célébrée
à tous les coins de rue, par une plaque,
une statue, un musée... ou un nom de café.
Dimanche 13 avril - Saint Domingue
Levés aux aurores comme d'habitude, nous
commençons la journée par une balade
en calèche, promise aux enfants. Nous avons
la ville rien que pour nous, et de si haut, nous
profitons de la vue sur les jardins magnifiques,
habituellement cachés par de grands murs.
On pourrait même s'attendre à ce
qu'une femme, habillée à la mode
de l'époque, apparaisse à l'une
des fenêtres avec un éventail à
la main... Depuis le début du voyage, Fleur
a pris l'habitude de saluer de la main les bateaux
et les annexes qui passent; elle fait donc de
même en calèche, se prenant pour
la Reine Mère !
Nous poursuivons nos promenades à pied.
Alors que nous arrivons sur une des premières
places construites après l'arrivée
de Colomb, toujours seuls et charmés par
cette ambiance d'un autre temps, nous apercevons
une vieille femme installée sur un banc.
Elle semble nous attendre depuis plus de 500 ans...
Très imposante, elle porte une grande
robe blanche et un magnifique chignon, blanc aussi.
Ses yeux clairs nous sourient quand elle entend
que nous parlons français: elle le parle
très bien, elle a travaillé à
Genève et a un grand-père Corse!
Dans le quartier colonial
Elle nous parle de son pays, de ce qu'il était,
de ce qu'il devient. C'est intéressant
d'avoir le point de vue d'une personne âgée,
après avoir écouté l'étudiant
à Santiago. Elle déplore notamment
la disparition des familles nombreuses : "Ici
ils n'en veulent plus, c'est dommage, ils sont
en train de tuer l'âme de ce pays, il n
'y a plus de petit dernier, d'enfant du milieu,
de benjamin, avec toute la richesse de différence
de comportements que cela sous-entend..."
Evidemment, elle voit qu'elle a un bon public,
et elle n'a pas vraiment besoin de nous convaincre...
Encore une fois, comme en Espagne, comme au Venezuela,
nous sommes surpris de surprendre avec nos 5 enfants!
Mais ce qui nous étonne davantage en République
Dominicaine, c'est la phrase que l'on nous sort
vraiment systématiquement : "Oh la
la, no tienen la television!"
La télévision pour le contrôle
des naissances ? Cela fonctionne peut-être
bien pour obtenir l'enfant unique tant plébiscité,
mais c'est surtout apparemment une arme redoutable
pour la pensée unique !!
L'après-midi c'est en voiture que nous
nous promenons dans le quartier résidentiel
de Santo Domingo, parce qu'il est un peu excentré
et immense. Nous nous retrouvons brutalement plongés
au 21è siècle: de très belles
maisons bien entretenues, un lycée français,
un lycée américain, des centres
commerciaux avec toutes les enseignes européennes:
même Carrefour, Conforama et Ikea! Nous
sommes dans la capitale, il y a donc aussi tous
les monuments officiels comme el "Palacio
Nacional" qui a des allures de Maison Blanche.
Le seul point commun avec le centre ville, est
la présence de travaux partout alors que
de nombreuses maisons sont à l'abandon.
Ils semblent préférer construire
ailleurs plutôt qu'entretenir, même
en plein centre, où chaque pierre est pourtant
chargée d'histoire.
Lundi 14 avril - "Traversée retour",
de Saint Domingue à Luperon
Dernière promenade dans Saint-Domingue.
Nous rencontrons Miguel, un petit cireur de chaussures
de 12 ans. Il nous suit un moment, en montrant
les chaussures de Jean-Philippe; c'est vrai que
cela ne leur fera pas de mal... Très vif,
étonnamment cultivé, c'est lui qui
nous pose plein de questions sur notre voyage,
notre bateau, notre famille. A la fin, après
nous avoir dit qu'il n'avait pas de parents, il
nous dit que pour les chaussures, nous pouvons
donner ce que nous voulons, mais que par contre,
il veut bien rentrer en France vivre avec nous...
Il attend notre réponse avec un sourire
magnifique. Devant tant de candeur, il nous est
vraiment difficile de lui expliquer que ça
n'est pas possible. Nous nous surprenons d'ailleurs
à repenser à sa proposition un peu
plus tard... et partons vite !
Nous rentrons à Luperon en privilégiant
les petites routes et les villages de montagne:
nous voulons voir des caféiers, et espérons
trouver un village qui en cultive.
Mais une institutrice prise en stop dans les
hauteurs de Bonao nous explique que ça
n'est pas du tout la saison, la récolte
se fait de septembre à décembre,
et ces 4 mois sont d'ailleurs des vacances scolaires
dans la région, afin de permettre à
toute la famille de participer.
Nous arrivons dans la soirée à
Luperon, les enfants sont contents de retrouver
le bateau et disent que c'est agréable
de rentrer "à la maison!"
Le lendemain nous déjeunons en ville: Jean-Philippe
teste "el chivo", la chèvre...
je me contente du poulet; qu'il soit aphteux,
un peu fou ou bien grippé ne me dérange
pas, mais une chèvre... psychologiquement,
c'est comme manger du chien.... je goûte
aussi, et nous concluons que ça n'a pas
grand intérêt...
Mardi 15 avril - La Isabela
L'après-midi nous partons en taxi à
La Isabela, petite ville toute proche bâtie
par Christophe Colomb: elle accueillit le premier
gouvernement des Amériques, le premier
tribunal de Justice, et c'est aussi là
que fut célébrée la première
messe du Nouveau Monde.
Honnêtement, il ne reste pas grand chose
des "ruines de Colomb", et quand nous
passons devant sa "maison", les enfants
sont un peu déçus; Marin suggère
même que nous revenions "quand les
travaux seront terminés "(!), mais
ce petit lopin de terre a quand même changé
la face du monde!
Nous avons juste le temps d'aller faire un tour
à la petite plage voisine avant d'attraper
le "guagua", le bus pour le retour.
C'est la première fois que nous nous baignons
depuis La Blanquilla. La République Dominicaine
est pourtant aussi célèbre pour
ses "plages magnifiques aux eaux cristallines".
Mais nous ne sommes pas vraiment en manque d'eau
turquoise et de sable blanc, nous avons donc décidé
de zapper la partie touristique de l'île,
d'autant que nous avons plus de chance d'y rencontrer
des Français que des Dominicains.
Le retour en guagua (en fait un taxi collectif)
est mémorable: il roule à toute
allure, même dans les villages. Nous sommes
tous les 7 sur la banquette arrière d'une
voiture de la taille d'une Twingo, et à
l'avant sont coincées deux jeunes femmes
et une petite fille, en plus du chauffeur, tous
de bonne corpulence! Ouf, nous arrivons à
Luperon sans accident!
16-19 avril - Luperon
Nous restons encore quelques jours à Luperon,
puis rejoindrons Cuba, directement ou via un crochet
par les Turks and Caicos, au sud des Bahamas.
Avant le départ, les destinations que
nous attendions vraiment étaient le Venezuela
et Cuba. Nous n'avons pas été déçus
par le Venezuela, et en avons bien
profité; nous verrons bientôt si
Cuba tient ses promesses.
Mais la République Dominicaine est la
bonne surprise de ce voyage: ce qui n'était
censé être qu'une escale obligée
s'est révélé un vrai coup
de cur, nous apprécions autant le
pays que ses habitants. Ils ne répondent
pas simplement poliment à nos "bonjour!",
ils les attendent, les devancent; en pleine montagne
comme dans les grandes villes pourtant touristiques,
leur sourire est sincère et accueillant.
Bien sûr, les enfants facilitent le contact,
mais il y règne une grande joie de vivre
vraiment communicative !