De
Chaguaramas (Trinidad et Tobago) à Los Testigos
(Venezuela)
Nav
dans le noir - Record de vitesse
Les Bouches du Dragon à peine franchies,
nous éteignons tous les feux : visibles
à l'il nu, les côtes Venezuéliennes
ne sont pas loin, et il semblerait qu'il y ait
une recrudescence d'attaques de pirates. Nous
envoyons donc les enfants se coucher très
tôt pour pouvoir éteindre aussi à
l'intérieur. Les quarts nécessitent
du coup une attention accrue : si les autres bateaux
ne nous voient pas, nous ne les voyons pas non
plus!
Nous faisons route plein nord pendant 30 milles
pour nous éloigner des côtes du Venezuela,
puis prenons à l'ouest droit sur les Testigos.
Nous ne rejoindrons pas le voilier français
parti de Chaguaramas 1h30 avant nous : il a décidé
de couper plus court. Nous ne le reverrons donc
pas puisqu'il poursuit sa route jusqu'à
Margarita, 50 milles plus loin.
Malgré un vent modéré (10
à 15 nuds), puis faible (5 nuds), nous
avançons très vite : 9 nuds, même
moteur au ralenti (1200 t/mn)! C'est en partie
dû à l'antifouling et au ponçage
de l'hélice, mais surtout au courant, de
l'ordre de 2 nuds.
Résultat: 110 milles parcourus en 13h
seulement, (et encore, nous avons ralenti exprès)!
Heureusement que nous sommes partis plus tard
que prévu (voir pourquoi à la fin
du Carnet
Trinidad et Tobago), sinon nous serions arrivés
en pleine nuit!
Los
Testigos - 27 janvier au 2 février 2008
Hospitalité de l'ouest
- Noix de coco -Nouvelle école - décalage
horaire
1er jour. La Iguana
Nous arrivons aux Testigos, et plus précisément
sur l'île de la Iguana, à 7h du matin.
Le mouillage ne pose aucun problème: 5m
d'eau, fond de sable, bateau sous le vent d'un
îlot.
Sitôt mouillé (le bateau), sitôt
baignés (tout le monde)!
Puis, l'annexe mise à l'eau, nous allons
à terre signaler notre présence
aux gardes-côtes: "El Muchacho",
l'un de ces jeunes militaires très accueillants,
nous confirme les informations lues sur internet
: nous pouvons rester quelques jours sur l'archipel,
en attendant les formalités officielles,
à faire sur le continent ou sur l'île
de Margarita.
Il nous demande ensuite si nous pouvons lui donner
une bouteille de vin... Un autre militaire si
nous avons des fusées de détresse
: ils s'en servent pour des exercices (et aussi
certainement pour fêter le carnaval la semaine
prochaine!).
Nous n'avons pas de vin (ce qui surprend beaucoup
tous les bateaux français que nous rencontrons
depuis le départ : "Pas de fromage
non plus? Mais comment faîtes-vous?"),
mais quelques bières et des fusées
périmées que nous leur apporterons
dans la soirée.
Promenade sur la plage de la Iguana. Le village
est constitué d'une trentaine de maisons
alignées au bord de l'eau. Il n'y a ici
aucune activité, aucun commerce: pas d'épicerie,
pas de bar ou de restaurant. Pour se nourrir,
il y a la pêche et les arbres fruitiers.
Après les grosses dépenses de Chaguaramas,
nous allons faire des économies dans ce
village de pêcheurs!
La plage de La Iguana
Tout le monde nous salue de la main. Très
vite un groupe d'enfants s'approche. Le contact
est immédiat.
Ils demandent si nos enfants veulent jouer avec
eux. "A quoi? "No Toque!", soit
notre "trappe-trappe"! Et c'est parti!
Pendant que les enfants jouent sur la plage,
des mamans s'approchent pour discuter avec nous,
très accueillantes. Plaisir de retrouver
l'espagnol, après le créole Cap-verdien
et l'anglais de Trinidad.
L'une des mamans, Estella, nous explique qu'il
n'y a pratiquement qu'une grande famille qui vit
sur la Iguana, l'île principale des Testigos.
1ers contacts devant le village
La grand-mère a eu 10 enfants, qui sont
presque tous restés, ou revenus après
leurs études à Margarita.
Certains sont aujourd'hui garde-côte, d'autres
infirmières, deux sont les maîtresses
de l'école.
Ces dernières nous proposent d'ailleurs
de recevoir nos enfants dans les classes le lendemain,
à 8 heures.
Puis Estella nous invite chez la grand-mère.
Nous buvons un verre de Tang (!) en attendant
la fin du repas : la grand-mère sert les
hommes de la maison (son mari et ses 3 fils).
Le grand-père propose ensuite de nous cueillir
des noix de coco. A l'aide d'une serpe fixée
au bout d'une longue perche, en équilibre
en haut de son échelle, il coupe les tiges
des noix de coco.
Estella en prend une sur la tête! Tout
le monde rit ("mais ce doit être très
désagréable" (;-) Pampers,
pub des années 80)). Elle n'a plus d'anti-inflammatoires
(c'est pourtant l'infirmière): nous lui
en ramènerons dans l'après-midi.
1er service: nous buvons le lait des noix de
coco, vidé dans une grande calebasse servant
de saladier.
2nd service: noix coupées en 2, nous mangeons
la chair tendre à la petite cuiller. Tout
le monde se régale, y compris Fleur!
La grand-mère est en admiration devant
Fleur, "Flor, un bébé tan limpia!"
(un bébé si propre!), et lui promet
un beau mariage si elle revient dans 20 ans...
Dans l'après-midi, Estella passe au bateau
avec ses enfants (de 10 et 6 ans) pour nous offrir
du poisson, vidé et préparé.
Nous le mangerons tous ensemble le soir sur Apache,
le Barbecue étant maintenant réparé!
Fleur avec Estella, chez la grand-mère
2ème jour. La
Iguana Les enfants sont prêts pour aller
à l'école, contents, mais anxieux,
surtout Domitille. Elle a mis son plus beau T-shirt
rose. Nous arrivons à 8h - 5, et sommes
surpris de ne voir personne. Nous sommes bien
lundi? oui. A 8h30, arrive le 1er élève.
Nous lui demandons pourquoi les autres ne sont
pas là. "Parce qu'il est tôt
: je viens en avance pour attendre la maîtresse".
Le décalage horaire! Nous n'y avions
pas du tout pensé!!! Le soir, nous ajouterons
une heure à nos montres!
Les élèves commencent à
arriver, et nous constatons qu'ils ont un uniforme,
ou en tous cas des couleurs imposées :
haut blanc et bas bleu marine. Ça devrait
se trouver facilement sur Apache, et nous avons
juste le temps d'aller chercher de quoi changer
nos enfants.
Domitille n'est pas contente du tout, et nous
arrivons à lui faire accepter un t-shirt
blanc en lui expliquant que quand même,
ils nous accueillent gentiment, il faut faire
comme eux, et qu'elle se sentira mieux si elle
est comme les autres élèves.
Arrivés à l'école, nous
découvrons qu'en maternelle, les enfants
ont un t-shirt rouge.... Domitille nous lance
son regard le plus noir!
Tous les matins, c'est la cérémonie
des couleurs: nos enfants sont en rang avec les
autres, qui chantent l'hymne national.
Au Venezuela, il y a les
maternelles jusqu'à 6 ans, puis le primaire
de 6 à 12 ans. Il y a donc 6 niveaux au
primaire.
Dans cette petite école, il y a 3 classes,
à triple niveau.
Il y a en tout 16 élèves: nous
gonflons sacrément les effectifs!
Marin et Philippine se retrouvent donc ensemble,
et commencent par un cours d'anglais, qui se transforme
en cours de français aussi, le maître
leur demandant régulièrement "et
chez vous, comment ça se dit ?"
Juliette va directement en salle informatique
(une petite fille lui avait d'ailleurs dit la
veille d'amener un gilet parce que cette salle
est climatisée!), pour une dictée
! Elle en sera bien sûr dispensée,
et en profite pour décrire et dessiner
tout ce qu'elle voit, afin de compléter
nos carnets!! (voir plus bas)
A midi, Domitille revient très fière,
avec "du travail", et une "chanson
apprise".
- Comment s'appelle cette chanson, tu peux nous
la chanter?
- Bien sûr que non; puisque je ne comprenais
rien, je faisais juste semblant!
Il n'y a école que le matin. L'après-midi,
nous retrouvons Estella et des enfants sur la
plage.
Un peu plus tard, nous découvrons sa maison:
nous ne pensions pas trouver un intérieur
si "simple". le sol est brut, il n'y
a que deux pièces, 3 lits, plus un préau,
véritable pièce à vivre,
où l'on fait la cuisine, se lave etc...
Il n'y a pas d'eau courante, mais une abondante
électricité gratuite. D'ailleurs,
tout est éclairé toute la journée!
Quand nous nous en étonnons, ils nous répondent
ne pas savoir où sont les interrupteurs
des lampadaires municipaux!
Le seul confort est donc amené par cette
électricité : dvd et machine à
laver, plaque électrique et frigo. Mais
il n'y a qu'une chaise dans toute la maison!
Les enfants (les nôtres, les siens, plus des cousins)
s'installent devant un dessin animé. Elle
insiste pour que nous restions goûter les
"arepas", galettes de maïs, qu'elle
prépare pour toutes les personnes présentes,
sans compter si ce sont ses enfants ou ses neveux
ou des voisins. Le partage semble vraiment très
naturel. Estella me propose même de venir
faire une machine chez elle...
3ème jour. Playa
Real, au nord de Testigo Grande Nous amenons les enfants à l'école
à 8h-10. Zut, l'école a déjà
commencé! Décidément, nous
avons du mal avec les horaires locaux!
Le soir, nous apprendrons qu'en fait, il n'y
a qu'une demi-heure de décalage avec Trinidad!
Incroyable, non? C'est tout nouveau, une décision
prise en 2007 par Hugo Chavez!
Pendant l'école, nous allons avec Apache
découvrir les plages de l'île de
Testigo Grande, à 1 mille à peine
de La Iguana. Estella est avec nous, elle tient
à nous présenter tout le monde de
ce côté-là du village.
Sable blanc, mer turquoise, soleil brûlant:
nous voilà enfin sur les plages tant attendues!
Mais un événement récent
gâche le tableau: un voilier français
a en effet été attaqué ici
il y a 2 jours et le propriétaire blessé
par balle.
Les habitants sont très affectés
et déçus de constater que cela arrive
aussi chez eux: un coin aussi tranquille!
Ils essaient tout de même de se (et de
nous) rassurer: étant donné la petite
taille de l'archipel, et le fait que tout le monde
soit sur ses gardes dorénavant, il y a
peu de chance que cela se reproduise avant longtemps.
Nous préférons tout de même
revenir tous les soirs mouiller à La Iguana,
face aux gardes-côtes!
Après l'école, le bateau "Transporte
Escolar" ramène nos enfants.
Des copains montent avec eux sur Apache, rejoints
dans l'après-midi par d'autres encore:
à 15h, il y a 17 enfants (dont 3 ne sachant
pas nager) et 4 adultes à bord! Ambiance
assurée!
Pour calmer le jeu, nous poursuivons l'après-midi
sur la plage.
Séance PMT : les fonds sont magnifiques,
la faune très variée : tortues,
raies, murènes, barracudas, poissons colorés
dont de nombreux poissons-perroquets.
Apache, centre aéré des Testigos!
Un autre bateau est mouillé non loin de
là: nous faisons ainsi la connaissance
de Giovanni, qui va mettre son bateau, Papayaga,
à l'hivernage (si l'on peut dire sous ses
latitudes!) à Puerto La Cruz, au Venezuela.
Le soir, Giovanni nous offre un thon pêché
la veille sur la route depuis les Grenadines.
Nous le mangeons ensemble à bord d'Apache.
4ème jour Giovanni et JP vont relever les filets à
langouste avec les pêcheurs. Belles bêtes
de 50cm hors antennes. Ça pue la charogne : les
langoustes, éboueurs des mers, sont attirées
par les cadavres de poissons fixés dans
les filets.
L'après-midi, nous retournons sur la Playa
Real.
5ème jour Nous passons la journée à
la Playa Real. balade sur l'île, séance
photos... le cadre et la lumière sont vraiment
magnifiques.
Hélas, demain, nous devrons quitter Los
Testigos : nous avons dépassé la
durée de séjour autorisée:
nous devons aller faire les formalités
officielles à Porlamar, sur l'île
de Margarita, à 50 milles au sud-ouest
de l'archipel des Testigos.
Arrivée au mouillage en face de la Playa
Real
L'école
à Los Testigos, par Juliette
Les ordinateurs sont couverts par des tissus
en plastique. Quand on les allume, il n'y a pas
beaucoup de vignettes. Les claviers, pareil. Les
bureaux sont très pratiques : le rez-de-chaussée
sert à mettre les sacs, le 1er étage
sert pour le clavier, et le 2ème étage
pour l'ordinateur. La classe est plutôt
petite, avec des cadres et des affiches un peu
partout. Au plafond, il y a deux néons,
et sur les murs, trois lumières bizarres
: il y a comme des assiettes retournées,
et au-dessus, une auréole. Près
de la porte, un panneau où l'on punaise
des choses. Près de l'autre porte (car
il y en a deux!), il y a un ventilateur. Sur tous
les murs, on voit une prise de courant. Les fenêtres
sont très grandes, sûrement pour
aérer!
Les élèves commencent par une dictée.
Pendant la dictée, la maîtresse appelle
souvent Esthefanny (ndlr : oui, cela s'écrit
bien comme ça... sa maman nous explique
que c'est le prénom d'une actrice d'une
fameuse série où les femmes ont
un maillot rouge!...), une nouvelle copine Venezuélienne
(je pense qu'elle n'est pas très bonne
en orthographe!).
Plusieurs enfants ont le même sac-à-dos
avec écrit dessus : "Fundacion del
Niñ@, nueva esparta".
Après la dictée, enfin je ne sais
pas quand, un seul ordinateur est allumé,
mais personne ne s'en sert. Sur le tableau, on
écrit au feutre d'ardoise, pas à
la craie. Les élèves se prêtent
leurs affaires, j'ai l'impression qu'ils sont
tous copains!
Je ne sais pas comment ils font : certains ne
travaillent pas, regardent l'ordinateur allumé.
La maîtresse ne dit rien, même si
elle les voit. Pendant que je les dessinais, ils
me regardaient, ça m'a mise mal à
l'aise. Une chose est sûre: il fait froid
dans la classe. Brrr!
Pendant 4 heures, que d'ordinateur, ils apprennent
"copier-coller".
Pendant la récré, papa vient. Je
lui dis que je n'aime pas cette école:
tout le monde me parle sans arrêt, comme
s'ils ne savaient pas que je suis étrangère.
Les 3 jours suivants, je suis rassurée,
je retourne à l'école. Les élèves
vont dans leur vraie classe (l'autre, c'était
la salle d'informatique!) Dans la classe, ils
travaillent beaucoup plus car chacun a une table,
des affaires, etc... Par contre, ils se prêtent
encore leurs affaires et certains se les volent
dans les sacs!
Le dernier jour d'école, le 30 janvier,
la classe et moi, faisons des masques. J'en ai
fait un d'Inca. Demain au Venezuela,
c'est le début des vacances de carnaval!
Juliette
Traversée
Los Testigos - Margarita - 2 février
2008
Hier soir, pendant la manuvre de mouillage,
le bout de l'annexe s'est pris dans l'hélice:
incident bête qui aurait pu endommager toute
la transmission. Heureusement, l'hélice
tournait lentement et Carole a mis le point mort
immédiatement.
Nous pouvons donc lever l'ancre comme prévu
à 7h.
Nous emmenons avec nous Estella et ses 2 enfants
: ils vont passer les "vacances de carnaval"
(1 semaine) sur Margarita où elle a une
maison.
Il n'y a pas de vent, pas de mer et nous faisons
toute la route au moteur. Cela n'empêche
pas nos 3 invités d'avoir le mal de mer
pendant toute la journée!
Une fois n'est pas coutume, nous partons avec
3 autres bateaux: Thasard, 1 catamaran français,
l'italien Papayaga de Giovanni et un canadien
: Moby Dick.
L'incident récent sur Los Testigos incite
en effet à la prudence, et tout le monde
est rassuré de voyager en flottille!