Lundi
17 décembre - Départ Mindelo (Cap-Vert : Sao Vicente) à 16h30
Juliette et Philippine ont passé la nuit
chez les D'un B, et y restent jusqu'après
le déjeuner.
Je ne voulais même pas y penser la veille.
Mais je m'en voudrais de ne pas avoir essayé:
sans grand espoir, je plonge à la recherche
de l'ailette de l'anémomètre : dans
cette eau trouble et vaseuse de Mindelo, il y
a vraiment peu d'espoir.
1/2 heure après, miracle, l'ailette est
retrouvée! Il ne reste qu'à remonter
la fixer en haut du mat!
Nous mangeons au même restau que la veille
avec seulement Marin, Domitille et Fleur. Au même
endroit (ils ont internet) nous mettons en ligne
le carnet Cap-Vert et annonçons notre départ
pour cette étape particulière :
LA traversée.
Nous avons choisi dans la nuit notre destination
: l'île de Trinidad (Trinidad et Tobago).
Près de 2200 milles à parcourir, cap quasi
plein est : 265°.
Nous partons seuls pour cette transat: D'un B
ne traversera qu'à la mi-janvier, pour
le Brésil. C'est la destination des bateaux
qui ont plus d'un an devant eux. Les jours précédents
ou suivants notre départ, d'autres bateaux
partent vers les Antilles, mais pas vers les mêmes
îles que nous: la plupart visent les Antilles
Françaises. De plus, s'il est possible
d'adapter sa vitesse sur de (plus) petites distances
pour voyager à plusieurs bateaux, cela
parait difficile sur une telle distance: soit
que l'on aimerait profiter des capacités
du bateaux pour arriver plus vite, soit que l'on
ne se sente pas le droit d'empêcher les
autres bateaux de le faire: 1/2 nud d'écart
et vous perdez de vue vos compagnons en quelques
heures.
16h: après un dernier café avec
les D'un B, c'est le moment de partir! Après
1 mois 1/2 passé en leur compagnie, tout
le monde est très ému par la séparation.
Juliette et Philippine en particulier sont très
tristes de quitter Eloé, avec laquelle
elles ont passé de très bons moments.
Et puis ça fait toujours quelque chose
de quitter un port et de voir un bateau de rencontre
s'en aller pour une grosse étape. Et là,
l'étape est vraiment énorme!
Les D'un B larguent nos amarres et nous saluent
une dernière fois d'un coup de corne de
brume.
17h: les pleins d'eau et de gasoil sont faits,
c'est le vrai départ. Nous quittons Mindelo.
20 à 25 nuds de vent dans le canal de
Sao Vicente et jusqu'au sud de l'île de
San Antao, dernier bout de terre de ce côté-là
de l'Atlantique!
Sortis du canal, nous mettons le cap droit sur
Trinidad. Nous filons à 7,5 nuds. Pourvu
que ça dure!
Mais non : bientôt, San Antao nous coupe
le vent. Pendant près de 2 heures, nous
devons mettre le moteur (au ralenti pour limiter
la consommation, car notre autonomie ne nous permet
pas de le faire tourner à plein régime
à chaque accalmie!) et tombons à
4 nuds.
Le vent remonte ensuite à 15 nuds mais
dans la soirée, retombe à moins
de 10 nuds.
La nuit tombée, nous apercevons un feu
à l'horizon droit devant nous : un voilier
parti un peu plus tôt semble faire le même
cap que nous. Ce serait drôle de trouver
seulement une fois parti un compagnon de route!
Notre horizon pendant 15 à 20 jours
Jour
1 : Mardi 18 décembre - Vent faible
Au lever du jour, l'autre bateau a disparu. Dans
la nuit, il a changé de cap et est parti
plus au sud.
Au petit déjeuner, Marin nous annonce
qu'il a rêvé que notre bateau coulait.
Ça met l'ambiance de bon matin!
Comme nous, les enfants ont conscience du danger
et s'inquiètent!
Le vent baisse inexorablement, et notre vitesse
avec. 5, puis 4, puis nous ne montons plus au-dessus
de 3,5 nuds!
Le vent est trop faible pour maintenir les voiles
gonflées, et à la moindre vague,
elles claquent violemment. Nous essayons différentes
combinaisons : GV + génois tangonné,
GV seule, génois seul... c'est finalement
cette dernière solution qui est la moins
pénible pour le bateau comme pour l'équipage.
Le matin, école dans le cockpit : calcul
mental, opérations, lecture.
A midi, nous mangeons la terrine de chevreuil
offerte par les D'un B : mieux vaut la savourer
pendant que nous avons encore de l'appétit!
L'après-midi, Carole sort les caisses
de Lego et de Playmobil gardées de côté
pour la transat: c'est la joie dans les cabines!
Seule Juliette n'est pas très intéressée:
elle a bien grandi ces derniers temps!...
Du coup, elle rejoint Carole dans le cockpit
pour un atelier couture: Juliette réalise
un petit sac et Carole un maillot pour Fleur.
L'après-midi passe lentement, à
3,5 nuds... Vers 17h30, séance cinéma
sur l'ordinateur pour les enfants. J'en profite
pour faire une sieste.
Jour 2 : Mercredi 19 décembre - Toujours
pas de vent - Baignade en pleine mer
Pas de vent pendant toute la nuit. Heureusement,
pas de mer non plus. Nous commençons à
nous inquiéter : à ce rythme, il
va nous falloir beaucoup plus de temps que prévu!
Cette nuit, nous avons aperçu un cargo
au loin, faisant route probablement vers le Brésil.
Ce temps trop calme pour la navigation fait le
bonheur des enfants: chacun à son tour,
ils se baignent à l'arrière du bateau,
avec leur harnais et un bout pour les retenir.
Puis c'est au tour des parents: après avoir
dit aux enfants de ne pas avoir peur, nous n'avions
pas le choix... mais on n'a pas envie de rester
très longtemps... ni d'aller trop loin
du bateau! Nous en profitons pour tous nous savonner!
Cela fait bientôt 2 jours que nous sommes
partis. Nous avons parcouru l'équivalent
de notre première traversée : celle
qui nous a amené de Puerto de la Selva
(Espagne) à Majorque aux Baléares.
Vers 16h, le temps se couvre. Nous recevons quelques
gouttes. Le vent monte doucement et, toutes voiles
dehors, nous parvenons à peine à
5,5 nuds.
Le vent est instable toute la soirée,
nécessitant des ajustements de voile en
permanence.
Avant la nuit, nous rentrons la GV. Pas parce
que le vent monte mais comme à notre habitude,
pour être plus tranquille la nuit.
Jour 3 : Jeudi 20 décembre
- Enfin du vent!
Après une nuit et une matinée au
ralenti, le vent finit par s'établir à
15 nuds. C'est peu, mais ça suffit
à nous contenter après 3 jours sans!
Mais le vent a légèrement tourné:
nous l'avons en plein dans le c.. dos!
Résultat: les voiles claquent à
chaque grosse vague de travers et à la
fin de l'accélération lors des surfs
sur les vagues arrivant par l'arrière.
Pour éviter ces claquements, usant le gréement
et les nerfs de l'équipage, mais aussi
pour éviter l'empannage, nous modifions
notre cap de quelques degrés et nous écartons
ainsi du lit du vent.
Musique "adulte" dans le cockpit: nous
sortons nos CD et même de vieilles K7. Cela
nous change du "Soldat rose" et autres
comptines écoutées en boucle!
Dans l'après-midi, Juliette, Philippine
et moi allons passer un peu de temps à
l'étrave. Nous y découvrons un poisson
aux reflets bleus, roses et violets, qui lui aussi,
s'amuse à surfer dans les vagues.
Aujourd'hui, nous faisons tourner le groupe électrogène
1h pour recharger les batteries: du bateau, mais
aussi des divers appareils électroniques
: ordinateur, lecteurs MP3, appareil photo, etc...
Dans la soirée, nous croisons un cargo.
Seulement le 2ème bateau rencontré
depuis le départ (le 3ème si l'on
compte le voilier parti quelques heures avant
nous de Mindelo)!
Note de Carole : Pour me
rassurer, JP ne trouve pas mieux à me dire
que "tu vois, un bateau tous les 2 jours,
si nous avons un problème, nous ne resterons
pas seuls très longtemps!" Pas vraiment
rassurant, en fait!
Jour 4 : Vendredi 21 décembre - Le rythme
est pris!
Aujourd'hui, c'est le 1er jour de l'hiver! Rien
ici ne le laisse deviner: même nos tenues
de quart s'allègent!
Le vent semble s'être calé à
15 nuds, toujours à l'est. Nous nous
écartons toujours de notre route de quelques
degrés... et de notre destination! Il faudra
virer de bord un jour ou l'autre.
Le matin, je me décide à remplacer
la bobine de traîne, complètement
déformée par l'épisode récent
de la remontée d'un kilomètre de
fil hypertendu (mes poignets s'en souviennent
encore). Pour cela, il faut faire passer tout
le fil (toujours 1km, mais cette fois sans effort)
de l'une à l'autre.
1/2 heure plus tard, la traîne est à
nouveau opérationnelle.
Pour l'occasion, nous changeons de leurre et
remplaçons le poisson rouge et blanc par
un magnifique calmar rose et violet.
Vers 13 heures, la bobine de traîne s'emballe:
ça mord!
Nous remontons une dorade coryphène,
qui tombe à pic pour le déjeuner!
Pas au barbecue, hélas, puisque lors de
la traversée Canaries - Cap-Vert, nous
avons perdu une pièce nécessaire
à son allumage! :-(
Cette modeste dorade (60cm) a la taille idéale
pour notre format familial: rien ne se perd, tout
se consomme!
Le groupe prend son service pendant 1H30 environ.
Le PC, beaucoup utilisé (navigation, photos,
films pour petits et grands, carnet de bord) est
gourmand en électricité!
"Déjà 4 jours que nous sommes
partis!, ça passe vite!"
Malgré mon air le plus naturel et positif,
personne ne partage cet avis. Juliette nous fait
remarquer qu'on s'embête beaucoup... ce
qui est vrai! Sorti de l'école, des films,
de la lecture, des dessins, des Lego et Playmobil,
que faire pour tuer le temps?!
La plus difficile est Fleur: elle pleure dès
qu'elle n'est pas dans les bras!
Pourvu que ça lui passe avant la fin de
la traversée!
De toute façon, comme ça bouge
beaucoup, on ne peut pas la laisser seule!
Quant à Carole et moi, la fatigue semble
avoir atteint un palier.
La nuit est dure, mais les quarts et les changements
de quart sont bien rodés.
Nous ne sommes pas en pleine forme au lever du
jour, mais nous avons suffisamment rechargé
pour tenir jusqu'au soir!
Dans la journée, l'un de nous parvient
parfois, quand les enfants y mettent du leur,
à somnoler 1/2h entre 2 pages d'un bouquin.
Un Spiderman est caché sur cette photo.
Sauras-tu le retrouver?...
Jour
5 : Samedi 22 décembre
Cette fois, le vent est complètement Est
et nous avons peu d'espoir qu'il repasse plus
au nord.
En effet, ce changement progressif du vent était
prévu : les alizés dans l'hémisphère
nord subissant une rotation dans le sens des aiguilles
d'une montre, donc passant de nord-est de ce côté
de l'Atlantique à presque sud- est de l'autre.
Mais nous l'attendions plus tard!
Dans la nuit, nous avons été contraints
de passer au cap 280°, soit 15° plus au
nord que notre route initiale.
Peu importe : nous ferons un virement de bord
le moment venu.
Ce matin, nous pêchons une nouvelle dorade!
Quelle efficacité, cette nouvelle bobine!
;-)
Mais les enfants sont de moins en moins emballés
par la pêche : prendre un poisson, c'est
rigolo, mais le manger, pas toujours! Nous passons
un pacte : nous ne mettrons la ligne de traîne
qu'un jour sur 2!
Et si possible, nous essaierons de varier les
prises: une langouste pour Noël serait pas
mal, par exemple! ;-)
L'après-midi, pendant que Marin et Domitille
jouent aux Lego/Playmobil, Juliette et Philippine
écrivent chacune un conte de Noël,
qu'elles nous liront pour le réveillon.
Jour 6 : Dimanche 23 décembre - Tapis roulant
- Record de milles parcourus
Cette nuit, nous avons eu droit à quelques
heures magiques: vagues bien rondes et 15 nuds
de vent dans la même direction, le bateau,
bien stable, glissait à plus de 7 nuds
comme sur un tapis roulant. C'est peut-être
ça qu'on appelle l'autoroute transatlantique?
En tous cas, ça ne dure pas, et ce matin,
il pleut, les vagues sont hachées, le vent
faible. Le bateau est très secoué,
et à l'intérieur, il fait chaud
et humide.
Aujourd'hui, tout le monde est d'accord : c'est
long! Très long!
Je retente le coup du gars positif: "C'est
normal que ça paraisse long: on a déjà
fait l'équivalent de notre plus grosse
traversée (Canaries - Cap-Vert : 710 milles)!
Mais ça ne suffit pas pour convaincre l'équipage!
Mais les enfants n'ont en fait pas besoin qu'on
leur remonte le moral ni qu'on leur trouve des
activités : tout le monde va bien à
bord, chacun jouant tour à tour seul ou
avec l'un de ses frères et surs au gré
des humeurs.
Et lorsque la lassitude se fait sentir, une heure
de "mini-disco" dans le cockpit, pendant
laquelle tous dansent et hurlent à tue-tête,
et on arrive inévitablement soit au déjeuner,
soit au goûter, soit au diner... et le temps
est passé sans qu'on ait eu le temps de
vraiment s'ennuyer!
Le carré, lieu de vie du bateau
Jour 7 : Lundi 24 décembre
Cette nuit, à nouveau le tapis roulant:
7,5 nuds tout confort pendant quelques heures
avant l'aube!
Et puis le vent baisse à nouveau: 10-12
nuds maximum.
Aujourd'hui, c'est jour de pêche. Et à
l'heure du repas, point de langouste, mais une
belle coryphène!
Encore! N'y a-t-il que ça à pêcher
dans cette grande mare?
Vider le poisson, ça occupe 1/4 d'heure!
Dans l'après-midi, nous faisons le premier
virement de bord de cette traversée: après
avoir été poussés trop au
nord, nous devons revenir vers notre route initiale.
Nous dinons dans le cockpit sous une belle nuit
sans lune mais pleine d'étoiles, éclairés
par une baladeuse au néon.
Notre beau sapin de Noël en plastique acheté
chez le Chinois à Sal (Cap-Vert) est installé
dans le cockpit, au pied de la barre.
Marin est le premier (après Fleur quand
même) à aller se coucher : plus vite
couché, plus vite réveillé
pour les cadeaux!
Jour 8 : Mardi 25 décembre - Noël -
On se traîne
A 7h, les enfants n'en peuvent plus d'attendre
une heure "raisonnable" pour se lever...
Au signal, tous se ruent dans le cockpit!
Incroyable, le Père-Noël passe aussi
sur les bateaux en plein milieu de l'Atlantique!
Il avait déjà bien anticipé
cette livraison spéciale avant notre départ,
mais a ajouté quelques petits cadeaux trouvés
au fil de nos escales... c'est la joie sur Apache!
Il fait chaud pour un Noël ;-) : 29°
dans le carré! Et le vent est resté
inférieur à 12 nuds depuis hier:
nous nous traînons et le temps de parcours
restant ne veut pas diminuer!
A midi, nouveau repas de fête!
Puis, Carole se lance dans un grand rangement
et suggère même de nouveaux aménagements
dans les cabines... L'angoisse du début
commence à s'effacer: on repense à
l'avenir!
Pendant ce temps, je fais la galerie photos du
Cap-Vert du site web.
Jour 9 : Mercredi 26 décembre : On se traîne
encore! - 1ère bonite
Après le changement d'heure de la veille,
nous décidons de changer de leurre pour
la pêche : marre de la dorade! Nous choisissons
un poisson au couleur des coryphènes :
vert et jaune. Avec un peu de chance, les dorades
ne sont pas cannibales... et ne mordront pas à
l'hameçon!
Toute la matinée, des dizaines de poissons
du même type que celui de l'autre jour,
avec ses beaux reflets roses, bleus et violets,
nous escortent. Je rembobine la traîne jusqu'à
10m du bateau... et l'un de ces poissons mord!
Il s'agit d'une jeune bonite de 50cm. Les enfants
sont ravis de ce changement!
Surpris par la facilité avec laquelle
nous avons pris celle-ci, nous essayons d'en prendre
une autre... mais plus rien. Mais celle-ci est
suffisante pour nous : plus petite que les dorades,
elle est nettement plus épaisse.
Ecole : sciences naturelles : la bonite
1. Observation : le corps argenté de la
bonite renvoie des reflets roses, bleus ou violets
selon l'angle de vue.
C'est vraiment un poisson taillé pour la
vitesse: étonnant qu'il y en ait autour
du bateau ces jours-ci! Sur le flanc, un renfoncement
triangulaire lui permet de rentrer sa nageoire.
Mieux encore: sur le dos, une fente lui permet
de dissimuler intégralement sa nageoire
dorsale, pourtant très développée!
2. (Moins poétique) Dissection de la bonite:
à nouveau poisson, nouvelle préparation:
après les filets de dorade, voici les tranches
de bonite!
A l'heure du repas, Juliette et Domitille se
réconcilient avec le poisson, mais à
condition que ce ne soit plus de la dorade! Pour
Marin et Philippine, du poisson, c'est du poisson,
ils n'en ont plus envie! Fleur, enfin, apprécie
ce nouveau met, comme tout ce qu'elle mange d'ailleurs:
vraiment, cette petite fille n'est pas difficile!
Encore un peu moins de vent (10 nuds). Ça devient
pénible! A ce rythme, nous devrions arriver
dans 9 jours! C'est trop long!
Nous décidons de sortir la GV et de tenter
un "ciseau": il s'agit de mettre le
génois sur un bord et la GV sur l'autre
(en vent arrière), afin de doubler la surface
utile de toile.
Mais à la fin de la journée, force
est de constater que nous n'avons pas gagné
en vitesse.
En confort non plus, malgré la stabilité
promise par l'équilibre des voiles... Et
le côté esthétique (car c'est
vrai que c'est joli, les voiles en ciseaux), on
s'en fiche : il n'y a personne pour admirer la
bête! ;-)
En revanche, nous avons plus de travail à
surveiller les voiles, en particulier le génois,
qui est malgré la configuration en ciseaux
régulièrement déventé
par la GV.
Nous revenons donc au génois seul... et
continuons notre route, à la lenteur de
4,5 nuds :-(
Qu'est-ce que c'est long!
Nous pensions avoir eu notre lot de manque de
vent avec les 2 premiers jours de cette transat...
il faudrait qu'Eole redevienne raisonnable maintenant!
Jour 10 : Jeudi 27 décembre
Cette nuit, nous avons rejoint notre route initiale
et continuons à avancer légèrement
trop au sud.
A 9h, à la faveur d'un léger changement
de direction du vent, nous effectuons notre second
virement de bord et reprenons la direction de
Trinidad.
Le vent reste faible et aujourd'hui encore, nous
dépassons rarement les 5 nuds.
Il est également instable en direction,
et nous devons faire de nombreux réglages
du génois ou de changements de cap toute
la journée.
Interlude : Poissons volants - Etoiles filantes
- Lucioles aquatiques - Tenue de quart - Recettes
de bord
Poissons volants
Depuis le premier, aperçu pendant la traversée
Gibraltar-Madère, les poissons volants
sont les plus réguliers de nos visiteurs.
Parfois seuls, parfois par groupe de plusieurs
dizaines, ils s'élancent pour quelques
mètres ou pour de longs vols (jusqu'à
200m) et se plantent comme des fléchettes
dans une vague un peu trop haute.
Je ne désespère pas de pouvoir
faire une photo d'une escadrille en plein vol!
Mais ces drôles d'oiseaux ;-) aiment la
discrétion : dès que je sors mon
appareil, ils se cachent!
Nous en retrouvons aussi de toutes tailles, presque
tous les matins, sur le pont du bateau.
La nuit dernière, alors que je faisais
un tour d'horizon, j'ai entendu un "pffffiiit"
et senti comme un pinceau mouillé sur le
front : j'ai failli prendre un poisson volant
dans l'il! Voilà un danger de l'Atlantique
auquel nous ne nous étions pas préparés!
;-)
Etoiles filantes
En l'absence de toute pollution lumineuse, et
pendant les quarts où il n'y a pas grand
chose d'autre à faire, nous avons tout
loisir d'observer le ciel... A peine visibles,
ou très brillantes, disparaissant immédiatement
ou après avoir parcouru près de
la moitié de la voute céleste, plus
ou moins rapides, les étoiles filantes
sont devenues pour les plus patients des Apache
presqu'aussi communes que les poissons volants.
Lucioles aquatiques
Toujours la nuit: dans les remous du bateau, on
voit apparaître pour quelques secondes de
petits points lumineux. On dirait des lucioles.
Plus les remous sont forts, plus il y en a: ce
phénomène étonnant que nous
avons découvert dès les premières
nuits en Méditerranée, serait dû
à la présence de phosphore dans
l'eau. Il n'y a pas besoin d'être au large
pour le voir: ça apparait parfois dans
la cuvette des toilettes en plein port!
Tenues de quart
Jusqu'à il y a quelques jours, avant que
la température ne commence à s'adoucir,
nos tenues de quart étaient constituées
:
-en bas : de chaussettes, d'un pantalon en toile
et/ou d'une salopette imperméable
-en haut: d'un tee-shirt, d'une polaire et des
2 épaisseurs de nos vestes de quart (gilet
intérieur flottant et veste extérieure
étanche et coupe-vent)
Certaines nuits, nous complétions avec
un bonnet!
Depuis le Cap-Vert, nous ne mettons plus ni bonnet
ni salopette. Et depuis quelques jours, ni chaussettes
ni gilet. Même la polaire n'est plus nécessaire!
Recettes de marin
Même si nous ne partageons pas avec de nombreux
autres voyageurs à la voile le besoin ou
le plaisir de fabriquer nous-mêmes nos conserves
de poissons (d'ailleurs, nous évitons les
gros leurres pour éviter les trop grosses
prises), nous recourons (enfin, Carole recourt...)
à quelques recettes échangées
avec d'autres bateaux.
Recette du pain, qui, après de nombreux
essais, est maintenant vraiment délicieux...
dommage qu'on n'ait presque plus de farine!
Recette du yaourt: avec 1 yaourt du commerce
et du lait, vous fabriquez jusqu'à 9 yaourts
maison! La consistance n'est pas toujours très
agréable, mais le goût y est! Et
c'est pratique quand la place dans le frigo est
limitée, ou que comme au Cap-Vert, on ne
trouve que des yaourts UHT... qui n'ont pas vraiment
le goût du yaourt!
Jour 11 : Vendredi 28 décembre
Le vent est toujours insuffisant : nous n'avançons
qu'à 4,5 nuds de moyenne!
Aujourd'hui c'est jour de pêche... mais
bredouilles!
Journée monotone, inconfortable, interminable...
Chez les enfants, c'est Juliette qui souffre
le plus de l'ennui.
Quant à Marin, il ne se fait plus prier
pour la lecture: il attaque même les livres
que ses surs ont reçus à Noël!
En voilà un qui sait faire passer le temps!
Jour 12 : Samedi 29 décembre
Comme la veille, trop peu de vent. Nous décidons
de mettre le moteur plutôt que le groupe
électrogène: en plus de recharger
les batteries, cela fait aussi avancer le bateau.
Nous le laissons pendant près de 5 heures.
Puis le vent fraîchit très légèrement.
Ça tombe bien: il ne serait pas raisonnable de
faire tourner le moteur trop longtemps.
Aujourd'hui c'était jour de pêche.
"-Mais non hier on a déjà péché!"
"-Oui mais on n'a rien pris!"
La logique des adultes est implacable, et surtout
non négociable!
Mais nous sommes décidément dans
une période sans: à nouveau bredouilles!
Depuis la mi-parcours, des pailles-en-queue,
jolis oiseaux blancs à longue queue (censés
annoncer l'approche des côtes!) viennent
régulièrement nous rendre visite.
Ils s'approchent, se stabilisent quelques secondes
au-dessus du mat, s'éloignent, pour revenir
à nouveau. Après quelques rondes,
ils finissent par se désintéresser
de nous.
Jour 13 : Dimanche 30 décembre
Dans la nuit, le vent fait son retour. 20 nuds!
Chouette, pourvu que ça dure!
Vers 3h, juste après avoir pris mon quart,
j'aperçois une lueur dans le ciel : sur
le coup, je prends cela pour une étoile
filante. Mais quand même, c'est vraiment
très lumineux pour une étoile filante!
Et puis c'est vraiment très lent!
Quand enfin la lueur semble éclater puis
retomber tout doucement avant de s'éteindre,
je réalise que cela ressemble fortement
à une fusée de détresse.
Après quelques tentatives de contact radio,
nous décidons de nous dérouter.
Nous faisons ainsi plus de 3 heures de route
plein sud, passant du vent arrière au travers,
les vagues renforcées par le vent couchant
le bateau régulièrement.
Nous multiplions les appels radio, mais impossible
d'établir le moindre contact.
Nous allons droit vers un gros orage et le vent
et la mer continuent à se renforcer.
Lorsque la lune se retrouve masquée par
de sombres nuages, réduisant à néant
la possibilité d'apercevoir quoi que se
soit à la surface, nous abandonnons la
partie après avoir parcouru plus de 20
milles: nous souhaitons nous éloigner de
cette perturbation et mettre notre propre équipage
hors de danger.
Reste à espérer qu'il ne s'agissait
pas d'un appel sérieux, mais d'un petit
malin qui a cru amusant de lancer une de ses fusées
périmées en plein océan!
Cette journée est la plus pénible
depuis le départ : nous n'avons pas réussi
à nous éloigner suffisamment de l'orage
et il pleut presque toute la journée. La
visibilité par moment est inférieure
à 0,5 mille. Le vent est extrêmement
variable, alternant des pointes à 25 nuds
et des périodes de quasi pétole.
En fin d'après-midi, nous remettons le
moteur à faible régime.
Nous avons presque fini notre stock de fruits:
ne reste que quelques oranges. Nous devons la
chance d'avoir tenu jusque-là à
un régime de bananes acheté très
vert, presque trop, et qui ne s'est décidé
à murir que ces derniers jours!
Avec ce sale temps, la journée est vraiment
pénible. Y'en a marre! A quelle heure on
arrive?!
Jour 14 : Lundi 31 décembre
Cette nuit, nous nous retrouvons à nouveau
pris sous une grande masse nuageuse. Malgré
la lune, il fait nuit noire. De temps en temps,
un éclair vient illuminer l'horizon droit
devant nous. Seul au milieu de nulle part, c'est
très impressionnant!
Et le vent tant espéré qui choisit
ce moment-là pour ajouter un peu à
l'ambiance! 20 nuds, puis 25 nuds jusqu'au
matin : Apache file dans le noir à plus
de 7,5 nuds!
Quand le jour se lève, le ciel est bleu.
Le moral revient toujours avec le soleil!
Le vent reste stable à 20 nuds. La mer
est forte, mais les vagues sont dans le dos, nous
ne sommes donc pas trop secoués.
L'après-midi, nous enlevons encore une
heure à nos montres. Nous avons maintenant
3 heures de décalage avec la France.
Aujourd'hui c'est (encore? encore!) jour de pêche!
Mais en déroulant la ligne, je fais tomber
à l'eau l'écrou permettant de bloquer
la bobine! Sans lui, plus de pêche! La bobine
rejoint dans un coffre le barbecue, inutilisable
lui aussi.
Ce soir c'est le réveillon du jour de
l'an. Dans l'après-midi, les enfants décorent
le bateau en conséquence et avec Carole,
préparent de nouveaux desserts en pâte
d'amande.
Vitesse moyenne aujourd'hui : 6,5 nuds! Ça fait du bien!
Jour 15 : Mardi 1er janvier 2008
Cette nuit, nous avons croisé un bateau
au loin. La distance ne nous permet pas de distinguer
la couleur de ses feux. Nous espérions
qu'il s'agisse d'un voilier allant dans la même
direction que nous. Mais très vite, les
feux ont disparu derrière nous : probablement
un cargo filant vers l'Europe.
Malgré la déception, cette présence
humaine en pleine nuit après 15 jours en
pleine mer est réconfortante!
Interlude : Autoroute, mon il - Combien d'équipiers
pour une transat?
Autoroute, mon il
: pas de bateaux!
La vraie surprise de cette transat, c'est de n'avoir
croisé presque personne: à peine
3 bateaux en 15 jours. Tous des cargos. Pas un
seul voilier!
Nous nous attendions à beaucoup plus d'animation
: des cargos dans tous les sens, des containers
dérivant, et surtout, beaucoup de voiliers!
On nous avait tellement dit que la transat était
une vraie autoroute!
A la réflexion, pour les voiliers, cela
parait normal: le faible écart de vitesse,
et la faible probabilité d'avoir la même
destination parmi le vaste choix proposé
par les îles des Caraïbes et les pays
de l'Amérique du sud, rendent quasi impossible
une rencontre entre 2 voiliers pendant la transat!
Pour voir d'autres voiliers, la meilleure chance
est de partir ensemble!
Combiens d'équipiers
pour une transat?
Au début du voyage, nous pensions qu'il
nous faudrait un troisième adulte à
bord pour la transat, ne serait-ce que pour partager
les quarts. Et nous avons constaté que
de nombreux voiliers embarquent 1 ou 2 nouveaux
équipiers aux Canaries ou au Cap-Vert avant
de traverser.
Mais après ces trois premiers mois de
voyage, nous sommes plus à l'aise question
voile : nous connaissons bien le bateau, sentons
quand il faut prendre un ris ou affaler la voile
et ses grincements ne nous inquiètent plus.
Beaucoup nous l'avaient dit : le plus difficile
est d'arriver au Cap-Vert. Après, ce sont
les alizés et la houle régulière
qui accompagnent les bateaux.
Arrivés au Cap-Vert, la question ne se
posait donc plus. Voyager avec un autre bateau,
avec plaisir, car c'est vraiment plus sécurisant.
Mais nous n'avions ni envie ni besoin d'un autre
adulte à bord : sur un bateau de 45 pieds
avec 5 jeunes enfants, le manque d'intimité
aurait été difficile à supporter!
Tant pis, nous dormirons peu: mais nous en avons
l'habitude!
Après 15 jours de traversée, nous
confirmons que tout va bien. Bien sûr, c'est
très éprouvant physiquement, mais
en fait après une semaine, le rythme est
pris, et la fatigue ne monte plus. Il faut aussi
tirer un coup de chapeau aux enfants, car nous
sommes fiers de constater qu'ils parviennent sans
problème à s'occuper, nous permettant
de nous reposer de temps en temps dans la journée.
En résumé, 2 pour les quarts, ça
le fait! D'ailleurs, nous n'étions pas
que 2 puisque nous avons un pilote automatique,
et que les enfants ont participé, à
l'image de Domitille, qui est venue un soir faire
mine de s'endormir dans le cockpit en disant :
"bon je fais un quart"! ;-)
Jour 16 : Mercredi 2 janvier - Y a-t-il un pilote
dans le bateau?
"On
arrive, petite Fleur!"
Cette nuit, nous avons croisé 2 cargos.
A 9h, encore un. A 10h, un autre, qui nous oblige
à modifier notre route pour l'éviter!
Il commence à y avoir du monde : la traversée
touche à sa fin!
Heureusement! Comme dirait mon grand ami P'tit
Pierre, "Bon, ça va bien maintenant!".
Juste avant de croiser ce 2ème cargo,
le pilote automatique, le plus valeureux des équipiers,
tombe en panne!
Ça , c'est vraiment la panne pénible sur
une grande traversée: à partir de
maintenant, il doit toujours y avoir quelqu'un
à la barre! Heureusement que ce n'est pas
arrivé en plein milieu de l'Atlantique!
Pour ne pas arriver de nuit sur Trinidad, et
pour limiter le temps de navigation sans pilote,
nous décidons de modifier notre route pour
une halte sur Tobago, où nous devrions
arriver en 24h.
Nous poursuivrons le lendemain ou le surlendemain
sur Trinidad, notre destination initiale, où
nous pourrons faire réparer le pilote.
Jour 17 : Jeudi 3 janvier - Arrivée à
Scarborough, sur Tobago
La nuit a été très dure.
Nous nous sommes relayés toutes les 2 heures
environ, 2 heures pendant lesquelles il fallait
vraiment lutter pour tenir la barre, avec cette
houle croisée, et 20 nuds de vent
et la pluie, amenés par de nombreux grains.
C'est dans ces moments-là qu'on réalise
l'importance du pilote automatique!
Lorsque le ciel était clair, nous pouvions
prendre les étoiles comme point de repère,
mais le plus souvent, les nuages nous en empêchaient,
et les yeux s'abîmaient alors sur le compas
lumineux, ajoutant encore à la fatigue!
Vers 4h du matin, nous voyons un halo lumineux
au large. Puis vers 5h, un phare.
Au lever du jour, la terre est en vue! Enfin!
Un voilier Suédois, venant du sud, arrive
exactement en même temps que nous!
Nous n'aurons vu que 2 voiliers pendant toute
la transat: un le premier soir, partis de Mindelo
quelques heures avant nous, et celui-ci, le dernier
jour! Aucun pendant la traversée!
Les enfants comme les parents ne cachent pas
leur joie!
Marin hisse le pavillon de Trinidad et Tobago.
Terre! Terre!
A 10h, nous mouillons dans le petit port de Scarborough.
Nous espérions un quai ou des pontons,
histoire de se défouler les jambes et de
simplifier les laveries et les courses... tant
pis ça attendra Trinidad!
Après 16,5 jours qui en paraissent 30,
nous sommes arrivés!