Accueil Clu7.fr
  |  Accueil - Carnets  |   Photos  |   Projet/Bateau/Equipage  |  Actus  |  Contact   
    11. Transat aller : Cap-Vert - Tobago
17 décembre 2007 au 2 janvier 2008
 
    <- Carnet précédent - Carnet suivant ->  
Rubrique Carnets
Voir l'itinéraire parcouru
Juste après
Découverte de...
 
Lundi 17 décembre - Départ Mindelo (Cap-Vert : Sao Vicente) à 16h30

Juliette et Philippine ont passé la nuit chez les D'un B, et y restent jusqu'après le déjeuner.

Je ne voulais même pas y penser la veille. Mais je m'en voudrais de ne pas avoir essayé: sans grand espoir, je plonge à la recherche de l'ailette de l'anémomètre : dans cette eau trouble et vaseuse de Mindelo, il y a vraiment peu d'espoir.

1/2 heure après, miracle, l'ailette est retrouvée! Il ne reste qu'à remonter la fixer en haut du mat!

Nous mangeons au même restau que la veille avec seulement Marin, Domitille et Fleur. Au même endroit (ils ont internet) nous mettons en ligne le carnet Cap-Vert et annonçons notre départ pour cette étape particulière : LA traversée.

Nous avons choisi dans la nuit notre destination : l'île de Trinidad (Trinidad et Tobago). Près de 2200 milles à parcourir, cap quasi plein est : 265°.

Nous partons seuls pour cette transat: D'un B ne traversera qu'à la mi-janvier, pour le Brésil. C'est la destination des bateaux qui ont plus d'un an devant eux. Les jours précédents ou suivants notre départ, d'autres bateaux partent vers les Antilles, mais pas vers les mêmes îles que nous: la plupart visent les Antilles Françaises. De plus, s'il est possible d'adapter sa vitesse sur de (plus) petites distances pour voyager à plusieurs bateaux, cela parait difficile sur une telle distance: soit que l'on aimerait profiter des capacités du bateaux pour arriver plus vite, soit que l'on ne se sente pas le droit d'empêcher les autres bateaux de le faire: 1/2 nœud d'écart et vous perdez de vue vos compagnons en quelques heures.

16h: après un dernier café avec les D'un B, c'est le moment de partir! Après 1 mois 1/2 passé en leur compagnie, tout le monde est très ému par la séparation. Juliette et Philippine en particulier sont très tristes de quitter Eloé, avec laquelle elles ont passé de très bons moments.

Et puis ça fait toujours quelque chose de quitter un port et de voir un bateau de rencontre s'en aller pour une grosse étape. Et là, l'étape est vraiment énorme!

Les D'un B larguent nos amarres et nous saluent une dernière fois d'un coup de corne de brume.

17h: les pleins d'eau et de gasoil sont faits, c'est le vrai départ. Nous quittons Mindelo.

20 à 25 nœuds de vent dans le canal de Sao Vicente et jusqu'au sud de l'île de San Antao, dernier bout de terre de ce côté-là de l'Atlantique!

Sortis du canal, nous mettons le cap droit sur Trinidad. Nous filons à 7,5 nœuds. Pourvu que ça dure!


Mais non : bientôt, San Antao nous coupe le vent. Pendant près de 2 heures, nous devons mettre le moteur (au ralenti pour limiter la consommation, car notre autonomie ne nous permet pas de le faire tourner à plein régime à chaque accalmie!) et tombons à 4 nœuds.

Le vent remonte ensuite à 15 nœuds mais dans la soirée, retombe à moins de 10 nœuds.

La nuit tombée, nous apercevons un feu à l'horizon droit devant nous : un voilier parti un peu plus tôt semble faire le même cap que nous. Ce serait drôle de trouver seulement une fois parti un compagnon de route!



Notre horizon pendant 15 à 20 jours         
Jour 1 : Mardi 18 décembre - Vent faible

Au lever du jour, l'autre bateau a disparu. Dans la nuit, il a changé de cap et est parti plus au sud.

Au petit déjeuner, Marin nous annonce qu'il a rêvé que notre bateau coulait. Ça met l'ambiance de bon matin!
Comme nous, les enfants ont conscience du danger et s'inquiètent!

Le vent baisse inexorablement, et notre vitesse avec. 5, puis 4, puis nous ne montons plus au-dessus de 3,5 nœuds!

Le vent est trop faible pour maintenir les voiles gonflées, et à la moindre vague, elles claquent violemment. Nous essayons différentes combinaisons : GV + génois tangonné, GV seule, génois seul... c'est finalement cette dernière solution qui est la moins pénible pour le bateau comme pour l'équipage.


Le matin, école dans le cockpit : calcul mental, opérations, lecture.

A midi, nous mangeons la terrine de chevreuil offerte par les D'un B : mieux vaut la savourer pendant que nous avons encore de l'appétit!

L'après-midi, Carole sort les caisses de Lego et de Playmobil gardées de côté pour la transat: c'est la joie dans les cabines! Seule Juliette n'est pas très intéressée: elle a bien grandi ces derniers temps!...

Du coup, elle rejoint Carole dans le cockpit pour un atelier couture: Juliette réalise un petit sac et Carole un maillot pour Fleur.

L'après-midi passe lentement, à 3,5 nœuds... Vers 17h30, séance cinéma sur l'ordinateur pour les enfants. J'en profite pour faire une sieste.


Jour 2 : Mercredi 19 décembre - Toujours pas de vent - Baignade en pleine mer

Pas de vent pendant toute la nuit. Heureusement, pas de mer non plus. Nous commençons à nous inquiéter : à ce rythme, il va nous falloir beaucoup plus de temps que prévu!

Cette nuit, nous avons aperçu un cargo au loin, faisant route probablement vers le Brésil.

Ce temps trop calme pour la navigation fait le bonheur des enfants: chacun à son tour, ils se baignent à l'arrière du bateau, avec leur harnais et un bout pour les retenir. Puis c'est au tour des parents: après avoir dit aux enfants de ne pas avoir peur, nous n'avions pas le choix... mais on n'a pas envie de rester très longtemps... ni d'aller trop loin du bateau! Nous en profitons pour tous nous savonner!

Cela fait bientôt 2 jours que nous sommes partis. Nous avons parcouru l'équivalent de notre première traversée : celle qui nous a amené de Puerto de la Selva (Espagne) à Majorque aux Baléares.

Vers 16h, le temps se couvre. Nous recevons quelques gouttes. Le vent monte doucement et, toutes voiles dehors, nous parvenons à peine à 5,5 nœuds.

Le vent est instable toute la soirée, nécessitant des ajustements de voile en permanence.

Avant la nuit, nous rentrons la GV. Pas parce que le vent monte mais comme à notre habitude, pour être plus tranquille la nuit.


Jour 3 : Jeudi 20 décembre - Enfin du vent!

Après une nuit et une matinée au ralenti, le vent finit par s'établir à 15 nœuds. C'est peu, mais ça suffit à nous contenter après 3 jours sans!

Mais le vent a légèrement tourné: nous l'avons en plein dans le c.. dos! Résultat: les voiles claquent à chaque grosse vague de travers et à la fin de l'accélération lors des surfs sur les vagues arrivant par l'arrière. Pour éviter ces claquements, usant le gréement et les nerfs de l'équipage, mais aussi pour éviter l'empannage, nous modifions notre cap de quelques degrés et nous écartons ainsi du lit du vent.

Musique "adulte" dans le cockpit: nous sortons nos CD et même de vieilles K7. Cela nous change du "Soldat rose" et autres comptines écoutées en boucle!

Dans l'après-midi, Juliette, Philippine et moi allons passer un peu de temps à l'étrave. Nous y découvrons un poisson aux reflets bleus, roses et violets, qui lui aussi, s'amuse à surfer dans les vagues.

Aujourd'hui, nous faisons tourner le groupe électrogène 1h pour recharger les batteries: du bateau, mais aussi des divers appareils électroniques : ordinateur, lecteurs MP3, appareil photo, etc...

Dans la soirée, nous croisons un cargo. Seulement le 2ème bateau rencontré depuis le départ (le 3ème si l'on compte le voilier parti quelques heures avant nous de Mindelo)!

Note de Carole : Pour me rassurer, JP ne trouve pas mieux à me dire que "tu vois, un bateau tous les 2 jours, si nous avons un problème, nous ne resterons pas seuls très longtemps!" Pas vraiment rassurant, en fait!


Jour 4 : Vendredi 21 décembre - Le rythme est pris!

Aujourd'hui, c'est le 1er jour de l'hiver! Rien ici ne le laisse deviner: même nos tenues de quart s'allègent!

Le vent semble s'être calé à 15 nœuds, toujours à l'est. Nous nous écartons toujours de notre route de quelques degrés... et de notre destination! Il faudra virer de bord un jour ou l'autre.

Le matin, je me décide à remplacer la bobine de traîne, complètement déformée par l'épisode récent de la remontée d'un kilomètre de fil hypertendu (mes poignets s'en souviennent encore). Pour cela, il faut faire passer tout le fil (toujours 1km, mais cette fois sans effort) de l'une à l'autre.



1/2 heure plus tard, la traîne est à nouveau opérationnelle.

Pour l'occasion, nous changeons de leurre et remplaçons le poisson rouge et blanc par un magnifique calmar rose et violet.

Vers 13 heures, la bobine de traîne s'emballe: ça mord!

Nous remontons une dorade coryphène, qui tombe à pic pour le déjeuner!

Pas au barbecue, hélas, puisque lors de la traversée Canaries - Cap-Vert, nous avons perdu une pièce nécessaire à son allumage! :-(

Cette modeste dorade (60cm) a la taille idéale pour notre format familial: rien ne se perd, tout se consomme!


Le groupe prend son service pendant 1H30 environ. Le PC, beaucoup utilisé (navigation, photos, films pour petits et grands, carnet de bord) est gourmand en électricité!

"Déjà 4 jours que nous sommes partis!, ça passe vite!"
Malgré mon air le plus naturel et positif, personne ne partage cet avis. Juliette nous fait remarquer qu'on s'embête beaucoup... ce qui est vrai! Sorti de l'école, des films, de la lecture, des dessins, des Lego et Playmobil, que faire pour tuer le temps?!

La plus difficile est Fleur: elle pleure dès qu'elle n'est pas dans les bras!
Pourvu que ça lui passe avant la fin de la traversée!
De toute façon, comme ça bouge beaucoup, on ne peut pas la laisser seule!

Quant à Carole et moi, la fatigue semble avoir atteint un palier.

La nuit est dure, mais les quarts et les changements de quart sont bien rodés.
Nous ne sommes pas en pleine forme au lever du jour, mais nous avons suffisamment rechargé pour tenir jusqu'au soir!

Dans la journée, l'un de nous parvient parfois, quand les enfants y mettent du leur, à somnoler 1/2h entre 2 pages d'un bouquin.





Un Spiderman est caché sur cette photo.   Sauras-tu le retrouver?...            
Jour 5 : Samedi 22 décembre

Cette fois, le vent est complètement Est et nous avons peu d'espoir qu'il repasse plus au nord.

En effet, ce changement progressif du vent était prévu : les alizés dans l'hémisphère nord subissant une rotation dans le sens des aiguilles d'une montre, donc passant de nord-est de ce côté de l'Atlantique à presque sud- est de l'autre. Mais nous l'attendions plus tard!

Dans la nuit, nous avons été contraints de passer au cap 280°, soit 15° plus au nord que notre route initiale.

Peu importe : nous ferons un virement de bord le moment venu.



Ce matin, nous pêchons une nouvelle dorade! Quelle efficacité, cette nouvelle bobine! ;-)


Mais les enfants sont de moins en moins emballés par la pêche : prendre un poisson, c'est rigolo, mais le manger, pas toujours! Nous passons un pacte : nous ne mettrons la ligne de traîne qu'un jour sur 2!

Et si possible, nous essaierons de varier les prises: une langouste pour Noël serait pas mal, par exemple! ;-)

L'après-midi, pendant que Marin et Domitille jouent aux Lego/Playmobil, Juliette et Philippine écrivent chacune un conte de Noël, qu'elles nous liront pour le réveillon.


Jour 6 : Dimanche 23 décembre - Tapis roulant - Record de milles parcourus

Cette nuit, nous avons eu droit à quelques heures magiques: vagues bien rondes et 15 nœuds de vent dans la même direction, le bateau, bien stable, glissait à plus de 7 nœuds comme sur un tapis roulant. C'est peut-être ça qu'on appelle l'autoroute transatlantique?

En tous cas, ça ne dure pas, et ce matin, il pleut, les vagues sont hachées, le vent faible. Le bateau est très secoué, et à l'intérieur, il fait chaud et humide.

Aujourd'hui, tout le monde est d'accord : c'est long! Très long!
Je retente le coup du gars positif: "C'est normal que ça paraisse long: on a déjà fait l'équivalent de notre plus grosse traversée (Canaries - Cap-Vert : 710 milles)!
Mais ça ne suffit pas pour convaincre l'équipage!


Mais les enfants n'ont en fait pas besoin qu'on leur remonte le moral ni qu'on leur trouve des activités : tout le monde va bien à bord, chacun jouant tour à tour seul ou avec l'un de ses frères et sœurs au gré des humeurs.

Et lorsque la lassitude se fait sentir, une heure de "mini-disco" dans le cockpit, pendant laquelle tous dansent et hurlent à tue-tête, et on arrive inévitablement soit au déjeuner, soit au goûter, soit au diner... et le temps est passé sans qu'on ait eu le temps de vraiment s'ennuyer!



Le carré, lieu de vie du bateau           

Jour 7 : Lundi 24 décembre

Cette nuit, à nouveau le tapis roulant: 7,5 nœuds tout confort pendant quelques heures avant l'aube!

Et puis le vent baisse à nouveau: 10-12 nœuds maximum.

Aujourd'hui, c'est jour de pêche. Et à l'heure du repas, point de langouste, mais une belle coryphène!
Encore! N'y a-t-il que ça à pêcher dans cette grande mare?


 Vider le poisson, ça occupe 1/4 d'heure!      


Dans l'après-midi, nous faisons le premier virement de bord de cette traversée: après avoir été poussés trop au nord, nous devons revenir vers notre route initiale.

Nous dinons dans le cockpit sous une belle nuit sans lune mais pleine d'étoiles, éclairés par une baladeuse au néon.

Notre beau sapin de Noël en plastique acheté chez le Chinois à Sal (Cap-Vert) est installé dans le cockpit, au pied de la barre.

Marin est le premier (après Fleur quand même) à aller se coucher : plus vite couché, plus vite réveillé pour les cadeaux!



Jour 8 : Mardi 25 décembre - Noël - On se traîne

A 7h, les enfants n'en peuvent plus d'attendre une heure "raisonnable" pour se lever... Au signal, tous se ruent dans le cockpit!

Incroyable, le Père-Noël passe aussi sur les bateaux en plein milieu de l'Atlantique!

Il avait déjà bien anticipé cette livraison spéciale avant notre départ, mais a ajouté quelques petits cadeaux trouvés au fil de nos escales... c'est la joie sur Apache!

Il fait chaud pour un Noël ;-) : 29° dans le carré! Et le vent est resté inférieur à 12 nœuds depuis hier: nous nous traînons et le temps de parcours restant ne veut pas diminuer!

A midi, nouveau repas de fête!

Puis, Carole se lance dans un grand rangement et suggère même de nouveaux aménagements dans les cabines... L'angoisse du début commence à s'effacer: on repense à l'avenir!

Pendant ce temps, je fais la galerie photos du Cap-Vert du site web.


Jour 9 : Mercredi 26 décembre : On se traîne encore! - 1ère bonite

Après le changement d'heure de la veille, nous décidons de changer de leurre pour la pêche : marre de la dorade! Nous choisissons un poisson au couleur des coryphènes : vert et jaune. Avec un peu de chance, les dorades ne sont pas cannibales... et ne mordront pas à l'hameçon!

Toute la matinée, des dizaines de poissons du même type que celui de l'autre jour, avec ses beaux reflets roses, bleus et violets, nous escortent. Je rembobine la traîne jusqu'à 10m du bateau... et l'un de ces poissons mord! Il s'agit d'une jeune bonite de 50cm. Les enfants sont ravis de ce changement!

Surpris par la facilité avec laquelle nous avons pris celle-ci, nous essayons d'en prendre une autre... mais plus rien. Mais celle-ci est suffisante pour nous : plus petite que les dorades, elle est nettement plus épaisse.


Ecole : sciences naturelles : la bonite

1. Observation : le corps argenté de la bonite renvoie des reflets roses, bleus ou violets selon l'angle de vue.
C'est vraiment un poisson taillé pour la vitesse: étonnant qu'il y en ait autour du bateau ces jours-ci! Sur le flanc, un renfoncement triangulaire lui permet de rentrer sa nageoire. Mieux encore: sur le dos, une fente lui permet de dissimuler intégralement sa nageoire dorsale, pourtant très développée!

2. (Moins poétique) Dissection de la bonite: à nouveau poisson, nouvelle préparation: après les filets de dorade, voici les tranches de bonite!


A l'heure du repas, Juliette et Domitille se réconcilient avec le poisson, mais à condition que ce ne soit plus de la dorade! Pour Marin et Philippine, du poisson, c'est du poisson, ils n'en ont plus envie! Fleur, enfin, apprécie ce nouveau met, comme tout ce qu'elle mange d'ailleurs: vraiment, cette petite fille n'est pas difficile!

Encore un peu moins de vent (10 nœuds). Ça devient pénible! A ce rythme, nous devrions arriver dans 9 jours! C'est trop long!

Nous décidons de sortir la GV et de tenter un "ciseau": il s'agit de mettre le génois sur un bord et la GV sur l'autre (en vent arrière), afin de doubler la surface utile de toile.


Mais à la fin de la journée, force est de constater que nous n'avons pas gagné en vitesse.
En confort non plus, malgré la stabilité promise par l'équilibre des voiles... Et le côté esthétique (car c'est vrai que c'est joli, les voiles en ciseaux), on s'en fiche : il n'y a personne pour admirer la bête! ;-)

En revanche, nous avons plus de travail à surveiller les voiles, en particulier le génois, qui est malgré la configuration en ciseaux régulièrement déventé par la GV.

Nous revenons donc au génois seul... et continuons notre route, à la lenteur de 4,5 nœuds :-(



Qu'est-ce que c'est long!             

Nous pensions avoir eu notre lot de manque de vent avec les 2 premiers jours de cette transat... il faudrait qu'Eole redevienne raisonnable maintenant!


Jour 10 : Jeudi 27 décembre

Cette nuit, nous avons rejoint notre route initiale et continuons à avancer légèrement trop au sud.

A 9h, à la faveur d'un léger changement de direction du vent, nous effectuons notre second virement de bord et reprenons la direction de Trinidad.

Le vent reste faible et aujourd'hui encore, nous dépassons rarement les 5 nœuds.

Il est également instable en direction, et nous devons faire de nombreux réglages du génois ou de changements de cap toute la journée.


Interlude : Poissons volants - Etoiles filantes - Lucioles aquatiques - Tenue de quart - Recettes de bord

Poissons volants
Depuis le premier, aperçu pendant la traversée Gibraltar-Madère, les poissons volants sont les plus réguliers de nos visiteurs.

Parfois seuls, parfois par groupe de plusieurs dizaines, ils s'élancent pour quelques mètres ou pour de longs vols (jusqu'à 200m) et se plantent comme des fléchettes dans une vague un peu trop haute.

Je ne désespère pas de pouvoir faire une photo d'une escadrille en plein vol! Mais ces drôles d'oiseaux ;-) aiment la discrétion : dès que je sors mon appareil, ils se cachent!


Nous en retrouvons aussi de toutes tailles, presque tous les matins, sur le pont du bateau.

La nuit dernière, alors que je faisais un tour d'horizon, j'ai entendu un "pffffiiit" et senti comme un pinceau mouillé sur le front : j'ai failli prendre un poisson volant dans l'œil! Voilà un danger de l'Atlantique auquel nous ne nous étions pas préparés! ;-)

Etoiles filantes
En l'absence de toute pollution lumineuse, et pendant les quarts où il n'y a pas grand chose d'autre à faire, nous avons tout loisir d'observer le ciel... A peine visibles, ou très brillantes, disparaissant immédiatement ou après avoir parcouru près de la moitié de la voute céleste, plus ou moins rapides, les étoiles filantes sont devenues pour les plus patients des Apache presqu'aussi communes que les poissons volants.

Lucioles aquatiques
Toujours la nuit: dans les remous du bateau, on voit apparaître pour quelques secondes de petits points lumineux. On dirait des lucioles. Plus les remous sont forts, plus il y en a: ce phénomène étonnant que nous avons découvert dès les premières nuits en Méditerranée, serait dû à la présence de phosphore dans l'eau. Il n'y a pas besoin d'être au large pour le voir: ça apparait parfois dans la cuvette des toilettes en plein port!

Tenues de quart
Jusqu'à il y a quelques jours, avant que la température ne commence à s'adoucir, nos tenues de quart étaient constituées :

-en bas : de chaussettes, d'un pantalon en toile et/ou d'une salopette imperméable
-en haut: d'un tee-shirt, d'une polaire et des 2 épaisseurs de nos vestes de quart (gilet intérieur flottant et veste extérieure étanche et coupe-vent)

Certaines nuits, nous complétions avec un bonnet!

Depuis le Cap-Vert, nous ne mettons plus ni bonnet ni salopette. Et depuis quelques jours, ni chaussettes ni gilet. Même la polaire n'est plus nécessaire!

Recettes de marin
Même si nous ne partageons pas avec de nombreux autres voyageurs à la voile le besoin ou le plaisir de fabriquer nous-mêmes nos conserves de poissons (d'ailleurs, nous évitons les gros leurres pour éviter les trop grosses prises), nous recourons (enfin, Carole recourt...) à quelques recettes échangées avec d'autres bateaux.

Recette du pain, qui, après de nombreux essais, est maintenant vraiment délicieux... dommage qu'on n'ait presque plus de farine!

Recette du yaourt: avec 1 yaourt du commerce et du lait, vous fabriquez jusqu'à 9 yaourts maison! La consistance n'est pas toujours très agréable, mais le goût y est! Et c'est pratique quand la place dans le frigo est limitée, ou que comme au Cap-Vert, on ne trouve que des yaourts UHT... qui n'ont pas vraiment le goût du yaourt!



Jour 11 : Vendredi 28 décembre


Le vent est toujours insuffisant : nous n'avançons qu'à 4,5 nœuds de moyenne!

Aujourd'hui c'est jour de pêche... mais bredouilles!

Journée monotone, inconfortable, interminable...

Chez les enfants, c'est Juliette qui souffre le plus de l'ennui.

Quant à Marin, il ne se fait plus prier pour la lecture: il attaque même les livres que ses sœurs ont reçus à Noël! En voilà un qui sait faire passer le temps!


Jour 12 : Samedi 29 décembre

Comme la veille, trop peu de vent. Nous décidons de mettre le moteur plutôt que le groupe électrogène: en plus de recharger les batteries, cela fait aussi avancer le bateau.

Nous le laissons pendant près de 5 heures.

Puis le vent fraîchit très légèrement. Ça tombe bien: il ne serait pas raisonnable de faire tourner le moteur trop longtemps.

Aujourd'hui c'était jour de pêche.
"-Mais non hier on a déjà péché!"
"-Oui mais on n'a rien pris!"

La logique des adultes est implacable, et surtout non négociable!

Mais nous sommes décidément dans une période sans: à nouveau bredouilles!

Depuis la mi-parcours, des pailles-en-queue, jolis oiseaux blancs à longue queue (censés annoncer l'approche des côtes!) viennent régulièrement nous rendre visite. Ils s'approchent, se stabilisent quelques secondes au-dessus du mat, s'éloignent, pour revenir à nouveau. Après quelques rondes, ils finissent par se désintéresser de nous.


Jour 13 : Dimanche 30 décembre

Dans la nuit, le vent fait son retour. 20 nœuds! Chouette, pourvu que ça dure!

Vers 3h, juste après avoir pris mon quart, j'aperçois une lueur dans le ciel : sur le coup, je prends cela pour une étoile filante. Mais quand même, c'est vraiment très lumineux pour une étoile filante! Et puis c'est vraiment très lent!

Quand enfin la lueur semble éclater puis retomber tout doucement avant de s'éteindre, je réalise que cela ressemble fortement à une fusée de détresse.

Après quelques tentatives de contact radio, nous décidons de nous dérouter.

Nous faisons ainsi plus de 3 heures de route plein sud, passant du vent arrière au travers, les vagues renforcées par le vent couchant le bateau régulièrement.

Nous multiplions les appels radio, mais impossible d'établir le moindre contact.

Nous allons droit vers un gros orage et le vent et la mer continuent à se renforcer.

Lorsque la lune se retrouve masquée par de sombres nuages, réduisant à néant la possibilité d'apercevoir quoi que se soit à la surface, nous abandonnons la partie après avoir parcouru plus de 20 milles: nous souhaitons nous éloigner de cette perturbation et mettre notre propre équipage hors de danger.

Reste à espérer qu'il ne s'agissait pas d'un appel sérieux, mais d'un petit malin qui a cru amusant de lancer une de ses fusées périmées en plein océan!

Cette journée est la plus pénible depuis le départ : nous n'avons pas réussi à nous éloigner suffisamment de l'orage et il pleut presque toute la journée. La visibilité par moment est inférieure à 0,5 mille. Le vent est extrêmement variable, alternant des pointes à 25 nœuds et des périodes de quasi pétole. En fin d'après-midi, nous remettons le moteur à faible régime.

Nous avons presque fini notre stock de fruits: ne reste que quelques oranges. Nous devons la chance d'avoir tenu jusque-là à un régime de bananes acheté très vert, presque trop, et qui ne s'est décidé à murir que ces derniers jours!

Avec ce sale temps, la journée est vraiment pénible. Y'en a marre! A quelle heure on arrive?!


Jour 14 : Lundi 31 décembre

Cette nuit, nous nous retrouvons à nouveau pris sous une grande masse nuageuse. Malgré la lune, il fait nuit noire. De temps en temps, un éclair vient illuminer l'horizon droit devant nous. Seul au milieu de nulle part, c'est très impressionnant!

Et le vent tant espéré qui choisit ce moment-là pour ajouter un peu à l'ambiance! 20 nœuds, puis 25 nœuds jusqu'au matin : Apache file dans le noir à plus de 7,5 nœuds!

Quand le jour se lève, le ciel est bleu. Le moral revient toujours avec le soleil!

Le vent reste stable à 20 nœuds. La mer est forte, mais les vagues sont dans le dos, nous ne sommes donc pas trop secoués.

L'après-midi, nous enlevons encore une heure à nos montres. Nous avons maintenant 3 heures de décalage avec la France.


Aujourd'hui c'est (encore? encore!) jour de pêche! Mais en déroulant la ligne, je fais tomber à l'eau l'écrou permettant de bloquer la bobine! Sans lui, plus de pêche! La bobine rejoint dans un coffre le barbecue, inutilisable lui aussi.

Ce soir c'est le réveillon du jour de l'an. Dans l'après-midi, les enfants décorent le bateau en conséquence et avec Carole, préparent de nouveaux desserts en pâte d'amande.

Vitesse moyenne aujourd'hui : 6,5 nœuds! Ça fait du bien!



Jour 15 : Mardi 1er janvier 2008

Cette nuit, nous avons croisé un bateau au loin. La distance ne nous permet pas de distinguer la couleur de ses feux. Nous espérions qu'il s'agisse d'un voilier allant dans la même direction que nous. Mais très vite, les feux ont disparu derrière nous : probablement un cargo filant vers l'Europe.

Malgré la déception, cette présence humaine en pleine nuit après 15 jours en pleine mer est réconfortante!


Interlude : Autoroute, mon œil - Combien d'équipiers pour une transat?

Autoroute, mon œil : pas de bateaux!
La vraie surprise de cette transat, c'est de n'avoir croisé presque personne: à peine 3 bateaux en 15 jours. Tous des cargos. Pas un seul voilier!

Nous nous attendions à beaucoup plus d'animation : des cargos dans tous les sens, des containers dérivant, et surtout, beaucoup de voiliers! On nous avait tellement dit que la transat était une vraie autoroute!

A la réflexion, pour les voiliers, cela parait normal: le faible écart de vitesse, et la faible probabilité d'avoir la même destination parmi le vaste choix proposé par les îles des Caraïbes et les pays de l'Amérique du sud, rendent quasi impossible une rencontre entre 2 voiliers pendant la transat!
Pour voir d'autres voiliers, la meilleure chance est de partir ensemble!

Combiens d'équipiers pour une transat?
Au début du voyage, nous pensions qu'il nous faudrait un troisième adulte à bord pour la transat, ne serait-ce que pour partager les quarts. Et nous avons constaté que de nombreux voiliers embarquent 1 ou 2 nouveaux équipiers aux Canaries ou au Cap-Vert avant de traverser.

Mais après ces trois premiers mois de voyage, nous sommes plus à l'aise question voile : nous connaissons bien le bateau, sentons quand il faut prendre un ris ou affaler la voile et ses grincements ne nous inquiètent plus.

Beaucoup nous l'avaient dit : le plus difficile est d'arriver au Cap-Vert. Après, ce sont les alizés et la houle régulière qui accompagnent les bateaux.

Arrivés au Cap-Vert, la question ne se posait donc plus. Voyager avec un autre bateau, avec plaisir, car c'est vraiment plus sécurisant. Mais nous n'avions ni envie ni besoin d'un autre adulte à bord : sur un bateau de 45 pieds avec 5 jeunes enfants, le manque d'intimité aurait été difficile à supporter! Tant pis, nous dormirons peu: mais nous en avons l'habitude!

Après 15 jours de traversée, nous confirmons que tout va bien. Bien sûr, c'est très éprouvant physiquement, mais en fait après une semaine, le rythme est pris, et la fatigue ne monte plus. Il faut aussi tirer un coup de chapeau aux enfants, car nous sommes fiers de constater qu'ils parviennent sans problème à s'occuper, nous permettant de nous reposer de temps en temps dans la journée.

En résumé, 2 pour les quarts, ça le fait! D'ailleurs, nous n'étions pas que 2 puisque nous avons un pilote automatique, et que les enfants ont participé, à l'image de Domitille, qui est venue un soir faire mine de s'endormir dans le cockpit en disant : "bon je fais un quart"! ;-)


Jour 16 : Mercredi 2 janvier - Y a-t-il un pilote dans le bateau?

         "On arrive, petite Fleur!"

Cette nuit, nous avons croisé 2 cargos.

A 9h, encore un. A 10h, un autre, qui nous oblige à modifier notre route pour l'éviter! Il commence à y avoir du monde : la traversée touche à sa fin!

Heureusement! Comme dirait mon grand ami P'tit Pierre, "Bon, ça va bien maintenant!".

Juste avant de croiser ce 2ème cargo, le pilote automatique, le plus valeureux des équipiers, tombe en panne!

Ça , c'est vraiment la panne pénible sur une grande traversée: à partir de maintenant, il doit toujours y avoir quelqu'un à la barre! Heureusement que ce n'est pas arrivé en plein milieu de l'Atlantique!

Pour ne pas arriver de nuit sur Trinidad, et pour limiter le temps de navigation sans pilote, nous décidons de modifier notre route pour une halte sur Tobago, où nous devrions arriver en 24h.


Nous poursuivrons le lendemain ou le surlendemain sur Trinidad, notre destination initiale, où nous pourrons faire réparer le pilote.


Jour 17 : Jeudi 3 janvier - Arrivée à Scarborough, sur Tobago

La nuit a été très dure. Nous nous sommes relayés toutes les 2 heures environ, 2 heures pendant lesquelles il fallait vraiment lutter pour tenir la barre, avec cette houle croisée, et 20 nœuds de vent et la pluie, amenés par de nombreux grains. C'est dans ces moments-là qu'on réalise l'importance du pilote automatique!

Lorsque le ciel était clair, nous pouvions prendre les étoiles comme point de repère, mais le plus souvent, les nuages nous en empêchaient, et les yeux s'abîmaient alors sur le compas lumineux, ajoutant encore à la fatigue!

Vers 4h du matin, nous voyons un halo lumineux au large. Puis vers 5h, un phare.


Au lever du jour, la terre est en vue! Enfin!

Un voilier Suédois, venant du sud, arrive exactement en même temps que nous!

Nous n'aurons vu que 2 voiliers pendant toute la transat: un le premier soir, partis de Mindelo quelques heures avant nous, et celui-ci, le dernier jour! Aucun pendant la traversée!

Les enfants comme les parents ne cachent pas leur joie!


Marin hisse le pavillon de Trinidad et Tobago.



Terre! Terre!                      


A 10h, nous mouillons dans le petit port de Scarborough.

Nous espérions un quai ou des pontons, histoire de se défouler les jambes et de simplifier les laveries et les courses... tant pis ça attendra Trinidad!

Après 16,5 jours qui en paraissent 30, nous sommes arrivés!

Nous Y sommes arrivés!

 

Carole et JP

  Haut de page <- Carnet précédent - Carnet suivant ->